2800m d’altitude, quelque part au milieu de la nuit, Mont Fuji – 12 et 13 Août 2009

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Je tourne la tête à droite. Puis à gauche. Partout, des visages inconnus, penchés en avant, comme recueillis, au-dessus d’un bol fumant de nouilles instantanées. A ma gauche, Guy mange lui aussi son bol de nouilles. Il n’y a que peu de bruit si ce n’est celui des bouches qui aspirent et claquent en dévorant leur petit morceau de réconfort bien chaud. Il fait bon.

Nous sommes quelque part au milieu de la nuit, en pleine ascension du Mont Fuji. On s’est arrêtés pour reprendre notre souffle. Les jambes nous brûlent et ma tête fait des siennes. Je ressens bien malgré moi les prémices du manque d’oxygène. Il paraîtrait que c’est assez courant sur le Fuji. Nous avons commencé notre ascension à 22h, après que le bus nous ait lâchés devant un magasin d’équipement. Besoin de rien pour nous, si ce n’est un bâton de marche. On se laisse prendre au jeu : il sera estampillé à chaque station que compte le Fuji. Moyennant quelques yens évidemment.

Nous avons quitté Tokyo quelques heures auparavant. Tout a failli tourner court lorsque, pris dans notre discussion avec Véronique, une canadienne voyageant seule, nous avons raté notre car. Les suivants sont tous complets nous annonce-t-on. Bien sûr. Je m’en veux parce que c’est de ma faute : J’ai bêtement suivit Véronique sans vérifier que nous prenions le même car. Et nous voilà sur le trottoir. Mais on nous trouve rapidement une solution pour les 3h de bus qui nous séparent de la région du Fuji : on voyagera sur les strapontins du milieu. Pas confortable mais au moins, on arrivera à destination. Nous qui pensions pouvoir dormir un peu pendant le trajet, c’est raté. On avale rapidement une petite boule de riz et quelques makis.

Puis le car nous débarque dans un parking désert. De là, il faut prendre un bus cette fois-ci. On s’entasse et le bus démarre. Destination : la cinquième station du Fuji. On part de là pour rallier le sommet avant le lever du soleil. Au magasin d’équipement, on retrouve Véronique, la canadienne. Elle est sympa est très guillerette, on décide de commencer l’ascension tous les trois. Les premiers 500m sont très faciles. Un faux plat remplis de scories. Puis très vite, on attaque la vraie montée. Véronique nous fait signe qu’elle n’en peut plus, elle s’arrête et nous continuons sans elle. On se demande si elle arrivera au sommet, et quand. Et d’ailleurs, secrètement, je me demande aussi si j’arriverai au sommet et quand. Il est 22h, 7h d’ascension nous attendent avec à la clé, un magnifique levé de soleil sur la région des Cinq lacs. Si tout va bien.

IMGP0337La montée est monotone. Des lacets à n’en plus finir. Des cailloux qui roulent sous les pieds. Et quand on lève la tête, une montagne de découragement : là-haut, loin au-dessus de nous, on voit un serpentin lumineux qui s’active tout doucement vers le sommet. Ce sont les dizaines de grimpeurs qui ont commencé l’ascension avant nous. Ils nous semblent si loin.

Mètres après mètres, on s’élève, tout doucement, au rythme de nos petits pas. Bientôt, on dépasse les nuages éclairés par la faible lueur de la lune. La nuit noire nous enveloppe tout entier tandis que nous avançons, bercés par le son de nos respirations et celles des autres. Il y a un monde fou qui tente l’ascension de la montagne sacrée. Et de tous les âges. Des personnes âgées comme de jeunes enfants qui ne semblent pas avoir plus de 7 ou 8 ans. Parfois le chemin est très direct : ça monte tout droit. Certains passages nous obligent même à nous aider d’un câble en acier pour grimper.

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Tandis que nous avançons, les premières lueurs du jour nous parviennent. C’est un ravissement sans précédent que de découvrir progressivement l’univers dans lequel nous évoluons depuis des heures, en couleur.

Petit à petit, le soleil qui ne s’est pas encore dévoilé, donne des couleurs à la terre, aux visages qui nous ont accompagnés tout au long de l’ascension. Puis le voilà enfin. On passe un ultime Torii et il faut s’arrêter : le soleil est sur le point de se montrer. Des frissons d’extase nous parcourent le dos tandis que l’on voit très loin à l’horizon, le soleil qui se montre. Des cris de joie se font entendre partout autour de nous. Des applaudissements. Puis un silence presque religieux s’installe sur la montagne tandis que chacun se plonge dans le recueillement. Et très vite, on sort de sa torpeur et on se remet en route. Nous sommes déçus de ne pas être arrivés au sommet pour le lever du soleil. Il ne nous manquait que 50m. La faute au bol de nouilles très certainement.

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Arrivés au sommet, on ne s’attarde pas. Le vent violent est glacé. Mais la vue est si belle. On prend quelques photos avec notre drapeau Japonais, on regarde le Japon s’étaler devant nous. Puis on entame la redescente qui nous ramènera, 4h plus tard, au pied de la montagne. Avec des souvenirs plein la tête et du sable plein les chaussettes.

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Fort heureusement, le car n’est pas plein. On fera le retour à l’arrière, complètement allongés et pieds nus. Fort heureusement, le car n’est pas plein donc. Personne n’aura été importuné par l’odeur nauséabonde qui s’échappe de nos chaussures et de nos pieds. Un de ces (trop peu) rares moments où l’on sent mauvais en voyage.

2 thoughts on “2800m d’altitude, quelque part au milieu de la nuit, Mont Fuji – 12 et 13 Août 2009

    1. Oui et écrivant je pensais à toi en me demandant si tu avais vécu ces mêmes choses sur le mont, eu les mêmes sentiments … 😉

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