A toute vitesse

« Allez les enfants, ouvrez vos cahiers. Qui peut me dire quand apparaissent les premiers hominidés ? »

Driiiiiing.

« … et donc je vous rappelle que toute la question est de savoir quel travail les historiens doivent fournir pour construire un récit objectif d’histoire.« 

Driiiiiiiing.

« Charlemagne est couronné empereur en 800. Pourquoi dit-on qu’il a toujours aimé et protégé la Sainte Eglise? »

Driiiiiiiiing.

« Allez- connectez-vous sur vos iPads. Je vous laisse 10min pour fouiller votre identité numérique et compléter le schéma« .

Driiiiiiiing.

« ... donc nous allons  tenter une première approche de la définition de bioéthique à travers l’étude d’un extrait de Bienvenue à Gattaca« .

Driiiiiiiiing.

Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas. Tantôt heureux et nageant dans le bonheur puis pétrifiés par le chagrin, on reprend notre bonhomme de chemin. Le travail au lycée est intense, étourdissant et surtout énergisant. Le rythme est élevé et de micro réunions s’ajoutent au fil des jours dans les nombreux interstices de mon emploi du temps. Les mails se cumulent et il faut vite trier tous les messages. Répondre tout de suite aux parents, noter les réunions qui apparaissent de façon parfois impromptu dans nos Google agendas , continuer ses conversations entre collègues.  Je jongle avec les bus, le covoiturage et j’ai obtenu un laissez-passer exceptionnel pour prendre le bus scolaire jaune. Trois fois par semaine donc, j’emprunte le bus scolaire qui m’emmène directement sur le campus de Louise, de l’autre côté du pont. C’est une navette proposée aux élèves, gratuites pour les enfants de profs. Et donc pour les profs aussi. De quoi alléger notre budget et me permettre de récupérer Louise au passage.

Parce que mine de rien, le budget transport, c’est une petite fortune. Pas loin de 16 dollars l’aller/retour. Multiplié par 5 jours par semaine et multiplié par 4 semaines, cela commence à faire une somme rondelette. Alors on se débrouille comme on peut : je prends notre voiture une fois par semaine, le bus jaune aussi souvent que possible pour revenir et j’ai même dégoté du covoiturage de temps en temps.

On commence à se faire au rythme et Guy prend de plus en plus ses marques. Exit les doutes au début du mois de septembre sur sa place ici. Il ne sera pas un mari désespéré qui reste à la maison. Il m’impressionne. Il a repéré cette fameuse Recyclerie de vélo, y va 3 fois par semaine de 10h à 13h. Il apprend un nouveau métier et il travaille tellement bien que Doug, un gentil canadien d’une 50aine d’année, l’a pris sous son aile. « On n’est pas là pour enseigner » lui avait dit Brian quand Guy s’est présenté en tant que bénévole la première fois. Oui mais en attendant, Guy est un bénévole qui vient bosser gratuitement 10h par semaine. Et qui bosse bien. Et avec qui on s’entend bien. Du pain béni. Alors il semblerait que Doug et Brian aient des plans pour lui. Pas une semaine de bénévolat que la question tombait : « Et au fait Guy… ça te dirait de bosser pour nous ? ». Alors bon, pour le moment, il n’a pas encore de permis de travail. Mais il partage pizzas et donuts avec ses « collègues » et enrichit son vocabulaire jour après jour. C’était pas gagné du tout au départ. Pris pour un Community Service (ce sont les gens qui doivent du temps à la communauté après avoir commis des infractions), il s’est retrouvé à nettoyer des pièces de vélo dans un énorme bac de solvant. Le temps que Doug comprenne qu’il était là de son propre chef, exit le solvant et le travail ingrat, il est monté en grade : « Tu restes avec moi, on va démonter et remonter des vélos ensemble ».  La vraie expatriation commence et je dois avouer presque une petite pointe de jalousie : il découvre un nouveau métier, tout en anglais, et se crée un réseau social américain. Ce Guy est incroyable. Les soirées ici sont donc très animées entre Louise qui commence à chanter des chansons en anglais et nous dit « Stop it ! » d’un ton sévère (petit index levé) quand on fait l’andouille, Guy qui raconte ses anecdotes de boulot et ses découvertes, et moi qui parle des dernières blagues de mes élèves.

Aujourd’hui, nous sommes allés accomplir un pèlerinage obligatoire pour tout Geek. On est allés roder dans la Silicon Valley, à 1h15 au sud de chez nous. A nous le mythique garage de Steve Jobs, le campus Google ou le Computer Museum ! Bon alors certes, comme je l’ai souvent entendu cette semaine en évoquant notre escapade prochaine, « ça ne vend pas du rêve ». C’est certain que cela fait moins rêver que d’aller trekker dans la Sierra, lézarder sur Baker Beach ou siroter du vin dans la Napa. Je vous l’accorde. Mais nous sommes des gens éclectiques et… on ne se met pas de barrières dirons-nous ! Et puis cela fait aussi partie de l’Histoire de la région. C’est ici que s’est incarné il fut une époque tout un esprit pionnier, novateur et innovateur qui a donné à la région ses lettres 2.0. Un fantastique regroupement d’activités, de savoirs, de compétences s’est progressivement développé, dynamisé par les bassins d’emploi voisins (San Jose et San Francisco) et l’accessibilité de la région. Bienvenus dans The Valley comme on l’appelle ici !

Nous avons commencé par un rapide coup d’oeil chez Google et leurs fameux bonshommes Androïd. Quand on est arrivés, l’endroit était envahi par un groupe de jeunes japonais, ce qui nous a pas empêché de faire les andouilles avec les statues.

Le Computer museum a été un très bon moment. Loin d’être un ramassis de vieilleries pour geek nostalgiques, le musée offre une fantastique plongée dans l’Histoire par le biais d’une collection époustouflante. Parmi les pièces que je voulais absolument voir, figurait Enigma, la machine de cryptage allemande de la Seconde guerre mondiale. J’ai eu l’occasion il y a deux ans d’aller voir avec mes amis un film fantastique à son sujet, Imitation Game (que je ne saurais que trop vous conseiller) qui raconte la vie d’Alan Turing, le mathématicien qui a su décrypter Enigma, sauvant des millions de vies pendant la guerre et l’écourtant, estime-t-on à l’époque, de 2 ans. L’histoire est fascinante et la machine, mythique. Drôle de moment de se retrouver face à elle.

On déambule de salle en salle, passant des toutes premières machines de la fin du XIXe (le système Hollerith), aux ordinateurs de guidage pour l’atterrissage d’Apollo 11 (1966), aux tout premiers robots. Une partie de Pong (quand je pense qu’on en avait un a la maison !) et qui entre dans la stratosphère : la miniaturisation des mémoires, les supercomputers et surtout, l’Apple 1.

 

L’ancêtre du Thermomix. Aucun exemplaire vendu !

Pour une novice comme moi, il y a des choses qui m’ont complètement échappé. Mais le simple fait d’entendre une ombre derrière moi gloussant sur tout un tas d’artéfacts (« oh regarde c’est énorme ! », « ah je me souviens de ça génial, c’était révolutionnaire ! »…), les yeux pétillants et le pas dynamique, a rendu ce musée passionnant.

La pause du midi a été passée dans une espèce de petite cantine salvadorienne perdue au milieu des géants de la tech, entre des rues tantôt sans âmes, tantôt animées et intimistes. Une petite pupuseria toute simple où nous avons pu déguster de délicieuses pupusas. Si le nom nous a nous aussi fait sourire, sachez qu’il cache un délicieux petit plat traditionnel du Salvador : un genre de gros blini farci de haricots rouges, de poulet et de fromage. Un délice que l’on sert avec du choux cru assaisonné et de la sauce tomate piquante.

Et en route pour la suite ! On passe devant l’énorme Hangar de Moffett Fields qui servait à construire d’énormes dirigeables au début du siècle, puis qui a été racheté par la NASA. On arrive, la fleur au fusil à la petite guérite, pour évidemment se faire refouler comme des malpropres : c’est un site de la NASA. On n’y rentre donc pas comme dans un moulin. Merci de faire demi-tour.

Ce qu’on fait, avec le sourire. On enchaine sur le campus Apple, le campus Facebook, le mythique garage des parents de Steve Jobs (où Apple a démarré), celui de Bill & Dave enfin où les deux compères, en 1938 fondèrent la mythique société Hewlett Packard, matérialisant par la même occasion les débuts de la Silicon Valley (la maison est d’ailleurs classée monument historique). Mine de rien, tout cela est éparpillé sur un vaste espace. La petite s’est endormie, on a 1h30 de route devant nous et il est déjà plus de 15h. Alors, satisfaits de notre tour, nous remontons vers le Nord sur la 101. On a promis à Louise de rouler sur son pont pour rentrer à la maison. Comme par magie, elle se réveille 10min avant qu’on le traverse et nous dit très sérieusement : « Oh regardez : il a grandi ! ». Il faut dire que ces derniers temps, on l’a surtout vu dans la brume…

Avant d’oublier. On a enfin reçu notre matériel de camping : tente, sac de couchage, matelas pour Louise (nous on a déjà les nôtres) et tout ce qui va avec. On prévoit d’aller camper une semaine aux vacances de la Toussaint. En attendant, Louise est greffée à son sac et passe sa vie dedans. Ça promet !

A bientôt pour la suite des aventures,

C, G & L

PS : A tous, merci pour vos messages, vos mails, vos textos, vos commentaires ici sur ce blog qui ont été autant de petits morceaux de réconfort cette semaine. Vos pensées et vos mots toujours très justes venus des 4 coins de la France  ont été très touchants et ont grandement contribué à nous permettre de nous sentir moins seuls malgré la distance. Nous avons pris vos conseils si gentiment dispensés à bras le corps : rester riches des bonheurs passés, rester fiers de tout et courageux.

PS : Devant l’enthousiasme général (et parce qu’on a beaucoup aimé aussi), on retournera à un Sing-Along. Et qui sait, on se déguisera peut-être… Merci pour vos encouragements sur le côté « très long » de mes récits. J’ai moins de complexes et l’impression d’avoir carte-blanche…

 

7 thoughts on “A toute vitesse

  1. Woaw ! Tu as enfin visité la Silicon Valley 😮 J’avoue je suis un peu jaloux, j’ai hâte de la visiter un jour, il y a l’air d’avoir tellement de trucs !

  2. Donuts et Pizza tous les jours en guise de « salaire ». On ne va plus reconnaître Guy dans 2 ans! 😉
    Elle pousse bien Louise!!! J’adore sa petite bouille! Bisous à vous 3!!

  3. Coucou on a l impression qu il faut être jeune et sportif pour vivre à san Francisco .je suis épuisée rien qu à te lire !!!!!(toujours cette super façon d’écrire ) gros bisou à la petite Louise et à ce super Guy 🚴ainsi qu à toi Céline qui nous fait vivre d intenses moments BISOUS

  4. Trop chouette cette journée dans The Valley ! Bravo Guy pour cette intégration et immersion you’re the best😉. Manque plus que le permis et hop du boulot😉.
    Louise a donc adopté le sac à viande hihi trop marrante. Vivement kes prochains récits. Bisous de l autre coté du Pacifique.

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