Made in Normandy

Chers tous,
 
Les temps sont durs en Californie du Nord. Comme vous le savez certainement, les feux font rage à quelques minutes au nord de chez nous. On s’est levés un bon matin, sans se rendre compte. Tiens, le ciel a une couleur totalement bizarre ce matin. Tiens, ça sent un peu le brûlé non ? Sur la voiture, les coussins de la terrasse, des cendres qu’on peut presque ramasser a la main. Petites pellicules éphémères et fragiles qui ont emporté sur des dizaines kilomètres ce qui avait été hier encore, une maison, une forêt, des effets personnels. En un instant, c’est une conception qui bascule, un mode de vie auquel on était habitué. Ici, il y a des risques naturels auxquels nous n’avons jamais été exposés dans notre vie de sédentaire. Des feux, wildfires, qui en une fraction de seconde arrachent tout ce que la vie avait pu offrir. On file à l’école et au boulot l’esprit confus. Que faut il faire ? Guy ne peut ni travailler, ni faire de sport et, confiné à la maison, il écume les sites à la recherche de la moindre information. Les feux prennent des proportions inimaginables et l’horizon s’obscurcit. Bientôt, l’air devient épais. Il pique la gorge et le nez. Irrespirable. Les écoles de Marin County (notre comté) ferment toutes les unes après les autres. Le Golden Gate, habituellement si fièrement dressé dans la brume ou sous le soleil éclatant, disparaît sous un épais manteau menaçant tantôt jaunâtre tantôt grisonnant. La fumée est partout et chacun est confiné. Bêtement peut être, on décide de rassembler quelques affaires. Au cas où. Les papiers, les ordinateurs et quelques effets personnels sont entassés dans des sacs et laissés dans l’entrée. On ne pense pas notre vie en danger mais le feu le plus proche étant à 20mn de chez nous, on se dit qu’un ordre d’évacuation pourrait tomber. Finalement, il n’en est rien. Les réfugiés, naufragés de l’océan de feu qui a englouti leurs vies, affluent par centaines dans les centres ouverts dans toute la région et à San Rafael. La vie est éphémère. Notre installation ici est éphémère. Et la pluie de cendres qui s’abat sur nous un peu chaque jour nous le rappelle cruellement.
Nous devions camper ce week-end mais toutes les activités extérieures sont interdites/annulées ou déconseillés. Le camping est fermé. On nous rembourse donc notre nuit et si les circonstances avaient avaient été différentes, je dois avouer que la perspective de ne pas dormir avec les mygales me réjouirait énormément.
Nouvelle étape de notre vie, nous arrivons au moment crucial où la nourriture française nous manque. Ce sont des détails mais … si on cherche de la crème fraîche, il n’y en pas. Pas plus que des lardons, de la pâte feuilletée ou du pain digne de ce nom. Les saucisses sont toutes anisées. Le beurre a un drôle de goût et il n’y a pas de boulangeries pour craquer et croquer des tartes citrons, des mille-feuilles, des tartes aux fraises et autres religieuses au chocolat. La saison des raclettes commence en France et nous sommes en transe, loin de ces fantastiques réjouissances hivernales. Oh ce n’est qu’un passage bien sur. Le palais va finir par s’habituer et s’acclimater au manque de fromage et de plat en sauce typiquement français. Guy vient de dépenser 3,5$ dans un ersatz de baguette.. 7$ pour une French Brioche. Et en fait, ils ne savent pas faire manifestement. ON DONNERAIT TOUT POUR UNE TARTIFLETTE. OU UN BŒUF BOURGUIGNON. OU MÊME UN CASSOULET. Oh je sais ce que vous vous dites : «  Non mais ils exagèrent. Franchement si c’est pour s’expatrier et se plaindre de la nourriture, autant ne pas partir ». Je sais. Mais la réalité est que nous vivons un tourbillon culturel. On s’adapte sur tout et beaucoup de choses. Et s’adapter sur tous les plans prend du temps. Le plus difficile se loge au creux de notre identité de français. Ce qui fait de nous des français accomplis : l’adaptation du palais. On ne se plaint pas au final. On fait le constat. Alors bien sûr, je vous arrête de suite. Oui, on doit pouvoir trouver ce genre de produits. Mais autant vous dire que l’on a pas les moyens au quotidien…
Ceci étant dit et à l’heure où j’écris ces lignes, nous rentrons du marché fermier de San Rafael où nous avons pu dégoter… des saucisses de Toulouse et des pâtisseries au vrai goût de pâtisserie. Le paradis !
De quoi nous remonter pour une semaine (jusqu’à la prochaine session marché). A table il y a quelques jours, des collègues m’ont dit que, de façon saisonnière, le magasin où nous faisons nos courses pouvait avoir des pâtes feuilletées… un coup de fil à Guy et bingo on en a acheté 10 d’un coup. Bref, les choses se mettent en place tout doucement. Vous pouvez évidemment compter sur Guy pour dégoter des cochonneries à goûter, et passer prendre de délicieux burgers chez A&W tous les vendredis soirs.
Ici, on fait plus attention à la qualité de notre nourriture qu’ailleurs. Ainsi, par souci d’économie au début de notre installation, nous avons acheté du poulet sans aucune certification, chez Target. On a eu vite fait de se rendre compte que nous mangions une abomination. Bourrée de flotte, piquée aux hormones, la viande que je manipule pour faire à manger m’écœure. J’ai l’impression de tripoter une éponge remplie d’eau.
On se met donc à vérifier les étiquettes et la qualité suit. Pas d’OGM, bio, garanti sans hormones et antibiotiques. Le palais ne nous trompe pas. Au lieu d’écraser avec la langue des morceaux de mousse, on croque de vrais morceaux de viande.
Ce week-end, nous avons avancé dans notre préparation d’Halloween. Nous nous sommes rendus sur un Pumpkin patch. A l’origine, le Pumpkin patch désignent tout simplement un champ dans lequel était cultivées les citrouilles, qu’ on venait cueillir une fois arrivées à maturité. Désormais, les patch sont de véritables petites fêtes foraines ambulantes. On y vient toujours choisir sa ou ses citrouilles mais on y trouve désormais aussi fermes pédagogiques, labyrinthes, on peut faire des tours de tracteurs et même y pique niquer.
Nous avions repéré un patch qui avait l’air chouette, recommandé par Nicolle, la voisine. Le Great Peter Pumpkin Patch. Mais celui ci se trouve au nord de chez nous, à Petaluma. Nous n’avions pas fait 10 miles qu’il nous a fallu nous rendre à l’évidence : on ne voit plus l’horizon et la fumée générée par les feux devient menaçante. Sans masque, impossible de rester dehors. On fait demi tour et on suit un vague panneau du côté de chez nous qui nous emmène vers Nicasio. De vieilles granges, une église qui n’est pas sans rappeler celle de Walnut Grove et de vieux américains endimanchés qui semblent se rendre à un rodéo. Aucun doute, nous sommes arrivés à la campagne et le visage de la Californie qui se présente à nous est radicalement différent de celui de San Francisco. On se gare et on est accueillis sur le patch par une femme enjouée et joviale. On se promène ou on veut, on choisit ses citrouilles et on peut pique niquer ici si le cœur nous en dit. Une petite fromagerie est ouverte juste derrière le patch. Et, ô bonheur des papilles, elle fait du fromage de chèvre , du brie et même – INCROYABLE – du fromage à raclette artisanal. La cerise sur le gâteau ? Ils font aussi des boules de pain artisanales. Le pique nique est tout trouvé. Un peu d’eau, du pain et du brie. Il n’en fallait pas plus pour nous rendre heureux.
On découvre alors que nous sommes ici aux portes d’un terroir fromager, surnommé « The Normandy of Northern Californie ». On est en Normandie. Incroyable. Crèmes, fromage de chèvre, mozzarella, brie, camembert, fromages à pâtes dures, à pâtes molles, bleus. Vous voyez les étoiles qui brillent dans nos yeux ? Il y a même un circuit que l’on peut faire et qui nous emmène de ranchs en exploitations, en fromageries. Le tout, en passant par les vignes de la Napa et les exploitations ostréicoles du Pacifique…
Mais revenons en au patch. Le ventre plein de fromage, on se met en quête de biquettes et autres petits cochons.
Un petit tour dans le labyrinthe puis l’heure cruciale arrive : on choisit sa brouette pour aller chercher les citrouilles. Louise en choisit une première, qui ne veut pas lui venir dans les bras et résiste. J’en choisi une deuxième et le tour est joué. On est des petits joueurs quand on voit certaines familles repartir avec des brouettes remplies. Il doit y en avoir pour des centaines de dollars ! Le système est bien rodé : on choisit sa citrouille puis on la pose dans le cercle qui convient. Et on a le prix ! On part avec nos 22 dollars de citrouilles bio avec en perspective, des soupes, des gratins et surtout … de la gravure pour Halloween ! Et on ne plaisante pas ici, il existe même un kit (offert par un collègue !) pour exceller et faire les motifs les plus fous. Verdict dans quelques jours (vous aurez le droit de vous moquer).
Ah, hier, nous avons été pour la première fois invités chez des américains. Le collègue de Guy, Erse, nous a invité à passer manger une pizza chez lui pour fêter le départ à la retraite de Doug. C’était très sympa. Ses collègues sont ravis de l’avoir et ne m’ont dit que du bien de lui. J’ai abondé dans leur sens en disant que je le (Guy) trouvais plutôt sympa aussi. 🙂 On a discuté un peu de moi et je leur ai raconté ma mère blonde et mon père noir. Je leur ai parlé de la Réunion, ce petit bout de France perdu au milieu de l’océan Indien. Verdict ? Je suis totalement exotique, c’est fantastique. Je rentre plus tôt que Guy pour aller coucher Louise. Mais les discussions avec Mike, Erse, Doug et sa femme, dans le douillet canapé d’une immense maison de la banlieue de San Rafael me laissent un bon souvenir. Guy rentre 2h plus tard, après avoir écouté Erse, musicien professionnel à ses heures, jouer de la cithare en tailleur dans sa chambre.
Je ne résiste pas à vous montrer une nouvelle carte. A force de sillonner les environs, nous commençons à avoir une idée plus précise de ce qui nous entoure. On se crée des habitudes, des repères. Voici donc une carte… de notre espace proche. Vous nous trouverez au Nord-Est de la carte, non loin du Golf, le long de la Smith Ranch Road. Ce n’est pas une carte conventionnelle mais elle cartographie tout de même ce qui constitue notre quotidien, le long de la Highway 101. L’iPad n’est pas assez grand, aussi l’échelle n’est pas tout à fait exacte. Mais cela aura le mérite de vous donner une idée de ce qui nous entoure !
Mais je m’arrête là pour aujourd’hui !
On vous embrasse tous et à bientôt pour la suite de nos aventures aux portes de la Normandy donc…
C,G & L

6 thoughts on “Made in Normandy

  1. Ahhh c’est top d’avoir une Normandie n’est ce pas!? Pour votre poulet, idem ici on n’en achète pas! (Ou alors tu y laisse 2 reins). J’adore les citrouilles à perte de vue et Louise et sa brouette! Votre carte est top! Bisouss

  2. Génial cette pêche à la citrouille!!!!! Hâte de voir le résultat final pour Halloween 🙂

    Sinon, concernant la saison des raclettes et autres tartiflettes, elle va être un peu retardée cette année. Il doit faire 26° aujourd’hui à Paris (hier soir à 19h, il faisait encore 24° dehors)…. donc la raclette-party attendra! On est solidaire avec vous!!!!!! 😉

    Plein de bisous à tous les 3!

  3. Si tu trouves de la levure, tu peux te faire ton pain Poulmane ! Non ?

    Et je survalide les vidéos dans les différents articles 🙂 À quand une reprise de Mike Brant en Californie ?

  4. Le schéma d’organisation spatiale est juste top! 😉
    Et je te comprends pour la nourriture, ça me rappelle mon année au Canada. Mais ils le fabriquent comment leur beurre? On dirait du planta fin périmé!

  5. Avec les incendies ça doit donner une drôle d’ambiance :s J’espère que ça va vite se résoudre. Quand j’écoute la radio, chaque jour j’ai l’impression que ça va finir par dévorer tout l’état !

    Bon en tout cas, ton billet de blog est un véhément plaidoyer contre les OGM D: On devrait envoyer ça à la commission européenne pour leur donner matière à réfléchir sérieusement.

    On attend avec impatience de voir la citrouille de Louise !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *