Wild Wild (W)est

Chers tous,

Nous avons profité de l’unique semaine de vacances que nous avons ici pour nous échapper un peu du quotidien. Nous avons donc plié bagage pour aller nous promener, par delà les montagnes, dans les comtés de Mono et Inyo, à la frontière du Nevada. Notre plan initial ? Camper et visiter. Nous nous sommes renseignés sur les températures, nous sommes donc équipés en conséquence, et nous avons pris la route. Nous n’avions rien de préparé, juste quelques vagues objectifs. Revoir le familier profil d’El Capitan et rêver aux exploits de ceux qui parviennent à le grimper, cheminer dans la région des lacs et lézarder au bord du Tahoe.  La semaine ne s’est pas du tout déroulée comme nous l’avions quelque peu imaginée et c’est ce qui en a fait toute sa saveur. Voici ci-dessous, les quelques notes non retouchées, rapidement écrites chaque soir avant d’éteindre les lumières…

Jour 1 – Yosemite

Route pour Yosemite.  3h30 de belle route qui glisse toute seule puis 1h de vallées incroyables. El Capitan est en vue puis le Half Dome.

On plante notre tente au fond de la vallée sous les pins. Les ours sont partout et on a un peu la pression : il ne faut pas oublier de nourriture dans la voiture, pas même de miettes (on nous conseille même d’enlever le siège enfant, au-cas-où), pas même un chewing-gum. Ne pas en prendre dans la tente évidemment. Et même enlever tout ce qui a une odeur, donc tout ce qui est dentifrice, déo, gel douche etc. Tout doit aller dans les bear proof containers.

On s’organise et on fait griller notre côte de bœuf au barbecue. Il fait froid mais on est heureux : on mange sous les étoiles de délicieuses pâtes à la sauce tomate (dont la moitié a fini par terre) et une côte de bœuf avec juste un peu de sel (à moitié engloutie par l’enfant). Au lit au chaud sous les duvets. Je me lève pour aller aux toilettes avec tout de même la crainte de tomber sur un ours qui roderait… De drôles de cris retentissent au loin toute la nuit : les rangers ont enregistré des bruits pour tenir éloignés les ours.

Jour 2 – De Yosemite à Mono Lake

Nuit blanche. Froid et humidité nous ont tous rongés toute la nuit. Tous ? C’est sans compter sur l’irréductible petite campeuse qui a ronflé de 20h à 7h40. On fait chauffer de l’eau, on se bat avec quelques écureuils puis on remballe.

Promenade en vélo vers le Mirror Lake puis vue sur toute la vallée. On prend la route pour traverser tout Yosemite par la Tioga Road. La neige encombre les bas côtés mais le pass est ouvert. Et heureusement ! Car sans le passage par le col, c’est un détour de 7h30 qui nous attend. La route est spectaculaire. Le Lee Vining Canyon est grandiose. On arrive de l’autre côté de Yosemite dans la région des lacs.

 

On plante la tente près de June Lake et Louise se demande s’il y aura des chiens (June, c’est le chien qu’elle venait d’apprendre à tolérer juste avant de partir). Une douche bien méritée : 0,50ct pour 3 minutes chacun. A ce tarif, on a le droit à un filet d’eau chaude tiède, mais c’est déjà cela. On file manger au restaurant et au lit. On est à plus de 2000m. On dirait qu’il va faire froid. Très froid.

Jour 3 – De Mono Lake aux Mammoth Lakes

Il a fait au moins -5° cette nuit. La tente est gelée et on a pas dormi.

Tous ? Non, sauf l’irréductible. Faut dire qu’on avait mis le paquet sur son équipement. Un duvet plus chaud, la polaire qui va bien. Des collants, un pantalon doublé. Et le bonnet surtout. La clé de voûte, que l’on a surveillé comme du lait sur le feu (sans bonnet, tout le corps gèle). On met un feu en route péniblement pendant que Louise se prélasse dans son duvet. Guy a un pied gelé et je ne sens plus mes doigts. Vite il faut faire une petite vaisselle pour faire chauffer de l’eau. Le liquide vaisselle a gelé, l’eau gèle instantanément et tout devient galère. Les conditions sont extrêmes. On met la poule dans la voiture avec le chauffage. Louise est dans un 5 étoiles (biberon de chocolat chaud, céréales et tartine de Nutella) tandis qu’on plie bagage. On annonce un froid plus intense pour la nuit à venir. Louise nous a impressionné mais on ne peut pas rester la.

On prend la route vers Mono Lake et de flamboyantes couleurs de feu parent le paysage. Le bleu azur, l’orange intense, le marron profond se mêlent pour former un indescriptible camaïeu de couleurs. Nom de nom. On se croirait sur les hauts plateaux de Bolivie !

Les tufas gigantesques du Mono Lake donnent une allure fantomatique et fascinante au lac. Surtout, il doit faire 40.000 degrés. On crève de chaud mais le pique-nique dans cet univers minéral est un moment extraordinaire. Comme au Myvatn (en Islande), il y a des millions de mouches. Mais ici elle restent collées au sol… Alors Louise prend un malin plaisir à courir dans les champs de mouche, qui se soulèvent de 2cm et se reposent aussi tôt. 30mn de route plus loin, on arrive sur les Mammoth Lakes. Des orgues de basaltes, des lacs sertis dans de douillets écrins de verdure. On est en pleine Sierra Nevada, à 1000 lieues de notre plateau andin pourtant situé à à peine quelques kilomètres de route. Il fait un froid à se geler les dents. On est des routards mais on est pas fous. Puis on a Louise avec nous. Ce soir, on décide de camper au chaud.

Jour 4 – Manzanar

Nuit réparatrice bien méritée avec douche chaude et petit déjeuner chaud. Un régal. On a changé tous nos plans finalement. La région des Mammoth Lakes est belle et on vient de découvrir que le camp de Manzanar est à 1h de route. Alors pas d’hésitation, on y va.

Manzanar. Un des 10 camps de l’infamie et de l’injustice qui a frappé les japonais américains aux lendemains de Pearl Harbor. Ils ont été plus de 120.000 à devoir tout quitter, emploi, logement, boutique, du jour au lendemain. L’administration Roosevelt ayant décidé que la présence de ces japonais américains sur la côte Ouest représentait une menace. Sans aucune rébellion et de façon docile, ils sont montés dans des bus, des trains, des voitures avec femmes et enfants sans savoir où ils allaient ni pour combien de temps. Ils ont été « relogés » dans des Relocation Centers. Des camps de fortune au confort spartiate dans des endroits isolés de tout. Barbelés, tour de guet et gardes armés sont devenus leur horizon. Sur une base purement raciale parce qu’ils ressemblaient à l’ennemi et malgré le fait qu’ils soient citoyens américains pour beaucoup, ils ont vu leurs droits bafoués et sont devenus des prisonniers, des internes. De 1942 à 1945. Des milliers de vie volées et traumatisées.  Après la guerre, le camps a été rasé. La honte d’une telle décision étant lourde à porter, il ne fallait pas ternir la geste héroïque de ces Etats-Unis qui venaient de gagner la guerre. Le camp est grand et il ne reste que peu de choses. Suffisamment toutefois pour pouvoir appréhender l’extraordinaire pouvoir de résilience de ces gens qui en dépit de tout, se sont organisés pour rendre leur vie meilleure. Des équipes de baseball, des jardins minéraux japonais, des Mess Hall où se rassembler pour manger, danser. 

 

On entre dans les baraquements et les toiles tendues donnent l’impression que les fantômes des temps passés sont encore là. Louise se faufile entre les toiles et la voici transportée 70 ans en arrière, à regarder des enfants de son âge manger.

Nous quittons le camp chamboulés. Que de privations et de vexations. A la fin de la guerre, l’administration américaine n’aura enregistré aucun acte de trahison d’espionnage ou de sabotage au sein de la communauté japonaise aux Etats-Unis. Aucun. Ils sont renvoyés « chez eux » avec un billet de bus et 25$ en poche. Il faudra attendre l’administration Reagan pour qu’un pardon officiel soit fait. Je pense à toi mon poney, avec qui j’ai préparé des séquences pour nos élèves sur le délicat sujet des mémoires japonaises de la guerre. Et j’ai enfin acheté Farewell to Manzanar pour me plonger au cœur de cette histoire si particulière…

Après la visite, on retourne aux Mammoth Lake. Le lac Mamie et le Horseshoe Lake ont notre préférence. Il fait bon s’installer dans le sable tiède pour regarder le doux soleil se coucher derrière les arbres.

 

 

Jour 5 – De Bodie au  Tahoe Lake

Départ sur les chapeaux de roue. On ramasse quelques pommes de pain gigantesques et en route, direction le Lac Tahoe. Sur la route on fait un arrêt incroyable à Bodie, ville fantôme abandonnée au début du XXe siècle. Peuplée de 12 personnes tout au plus dans les années 1860, elle a atteint en pleine ruée  vers l’or, plus de 8.000 mineurs en 1880. Ville du vice, de la drogue et de la prostitution elle méritait sa réputation sulfureuse. Le Wild Wild West en somme. Le dernier mineur est parti en 1942. Tout a été abandonné et laissé en l’état.

Les boutiques sont encore achalandées façon épicerie de Walnut Grove, la leçon est encore inscrite sur le tableau noir de l’école et dans les maisons, de la vaisselle, du linge, des jouets d’enfant. Une ambiance désuète et très XIXe siècle nous enrobe et on a l’impression d’être entrés dans un film. Des carcasses de voitures prennent racines et tandis que nous cheminons dans les rues désertes, les époques se succèdent.

 

C’est un incroyable mille-feuilles de vies et de souvenirs auquel nous jetons un œil curieux par les fenêtres dépolies. Un très concret saut dans le temps auquel nous ne nous attendions pas. 1h30 plus tard, on arrive sur les rives du Lac Tahoe alors que le soleil déclinant donne au sable une délicieuse couleur miel. C’est notre dernière étape !

Jour 6 –  Tahoe

Le lac est grand et une journée c’est clairement peu. Mais c’est déjà ça. On file sur la route qui fait le tour, vers Emerald Bay. Un petit bijou qui protège la seule et unique île du lac : Fannette Island (coucou  belle-soeur !).

 

Une vue plongeante nous permet d’apprécier la vue presque panoramique sur le lac. On emmène Louise faire une petite randonnée qu’elle fait presque seule. La montée jusqu’en haut en avalant les marches et la descente en partie sur les épaules de papa.

 

Les couleurs d’automne sont fantastiques. On pique-nique sous les arbres avec les écureuils que Louise s’amuse à chasser en faisant des bruits de serpent. Et en route vers l’autre bout du lac ! On est un peu surpris : tous les endroits où l’on souhaite s’arrêter sont payants. 5$ par ici, 7$ par là. Devant nos mines déconfites, le ranger nous indique un petit parking gratuit 4 miles plus loin pour profiter de la vue qui s’avère être splendide. On rentre à la cabine, pour manger un dernier burger avant le départ. La région est belle, il faudra y revenir. Pourquoi pas en hiver pour skier …

En attendant, Guy met en route un dernier feu. Des chamallows, du chocolat et des Graham Crackers et le tour est joué : on engloutit de délicieux S’mores. Juste avant le diner évidemment.

Jour 7 – De Tahoe à Sacramento

On fait une pause déjeuner à Sacramento avant de rentrer à la maison. Une vieille rue a été conservée que l’on visite en admirant l’architecture. C’est très touristique, mais plaisant. Le temps d’avaler fajitas et tamales, on file voir le train qui part, puis on remonte les rues encombrées de petits enfants déjà déguisés pour Halloween, qui démarrent leur chasse aux bonbons auprès des commerçants…

 

Première photo prise par Louise !

Nous sommes de retour à la maison après une semaine bien remplie. A peine le temps de lancer quelques machines qu’il faut déjà songer « tenue pour demain », « lunch box » et « impression des évaluations ». Ici, on a qu’une semaine de vacances à la Toussaint. Dur, dur. Heureusement que Thanksgiving arrive à grands pas.

On espère que vous avez survécu à ce long post, on vous embrasse et…

A bientôt pour de nouvelles aventures !

C, G & L

Quelques réponses à vos commentaires :

@Crys : Mais oui, je pense que ce costume de requin, c’est en fait une perche tendue pour qu’on aille à Tahiti ! Bon, on est plus proches, mais pour l’instant, les finances ne suivent pas… Au boulot Guy ! 😉 Et je VALIDE Blanche Neige ! Par contre… je veux des photos !

@Charron : Allez, balance la recette du pain Charron ! Mais attention, je n’ai pas de four à chaleur tournante et je n’ai que de la levure sèche ici… Si j’y arrive, tu auras sans doute droit à une reprise de Mike Brandt…

@ Fanny : Ah oui, toujours avoir une Normandie à côté de chez Swan, heu, soi… On vous emmènera y faire un tour !

@Fred, Mel, Camille & Léa :  Ah, merci ça fait du bien de savoir que nous ne sommes pas seuls à souffrir du manque de raclette !

@Evelyne : Bon alors comment dire… Louise a voulu Gipsy l’araignée pour sa citrouille… On postera la photo la semaine prochaine, quand la honte de notre réalisation se sera dissipée 🙂

@Linda : Tu as vu ça ? J’ai tout de même un genre de côté géographe en moi finalement  Ah on est d’accords pour le beurre, c’est une catastrophe cette odeur…

@Séb : Ah les OGM s’il fallait en parler… n’attends pas avec trop d’impatience la citrouille tout de même hein… tu risques d’être déçu 🙂

@Angéline et Tata Cine : Quel plaisir de vous voir trainer dans le coin toutes les deux ! Oui les choses se passent plutôt bien, même si ce n’est pas toujours simple entre le rythme, la petite qui grandit, les papiers et l’adaptation à une nouvelle vie ! Mais… nous ne sommes pas malheureux 🙂

9 thoughts on “Wild Wild (W)est

  1. Génial cette semaine haute en couleurs, rebondissements et découverte !
    Superbes photos (et bravo à loulou pour sa 1ere photo!).
    Je pensais être incognito là-bas… Je suis foutue🤣.
    Bisousss

  2. Quelles couleurs sublimes et quelle prose mon poney.
    J’ai l’oeil larmoyant, c’est malin… Je repense à cette séquence déjà pleine de nostalgie.
    Heureusement, je me console avec la spéciale dédicace pour June ! Je file lui faire une caresse de la part de Loulou !

  3. Et bien c’était une semaine d’enfer. En te lisant j’avais des frissons avoir froid la nuit m’aurait aussi empechée de dormir. Mais quel beau périple avec de superbe photos. Trop chouette de partager vos bons moments. Bonne reprise et des bisous à vous 3

  4. Ah merde, j’ai la pression maintenant, va falloir que je me lance à faire du pain avant de te dire n’importe quoi :3

    Sinon, tes photos me font penser aux décors de la série Westworld 😵

  5. Camper par -5° ! Et avec des ours et autres animaux sauvages … dépaysement total ! Vous en avez eu plein les yeux et Louise s’est bien amusée ! Bravo pour sa 1ère photo ! Bigs bisous à vous trois.

  6. Trop sympa de nous faire partager toutes ces aventures. On a l’impression d’être un peu dans vos bagages!!😍😍 plein de bisous à vous 3 et en particulier à  » l’irréductible  » Loulou😘😘

  7. Quels paysages ! L immensité du territoire, la beauté des couleurs. C’est époustouflant ! J aimerai tant me rendre dans l’ouest américain. La littérature US va me y conduire réellement un de ces jours !
    Superbe la vie de camping tous les 3 et la perspective d’une côte de bœufs/ frite dans ce cadre là me fait saliver.
    Louise est trop mignonne
    Je vous embrasse très fort 🙂

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