Hey Joe

Je dégaine de nouveau mes mots pour vous raconter nos découvertes du week-end. Destination un nouveau quartier de San Francisco : Haight Ashbury.

On prépare parfois nos excursions du week-end. La veille disons. On fait la liste de ce que l’on aimerait voir, puis on voit comment tout peut se goupiller de façon harmonieuse. Je parcours les cartes et les récits, rêvant déjà à ce que nous allons côtoyer et voir… Ah mais regarde ! Si on va un peu plus loin il y a la maison de Harvey Milk ! Et Castro Camera. Bon, il va falloir être raisonnables. On reviendra dans le coin juste pour le Castro. Dans quelques week-ends.

Pour l’instant, on se sent l’âme de baroudeurs urbains, prêts à arpenter le macadam et à voir défiler devant nos yeux les fantômes de Janis, Jimi des milliers de hippies et de beatniks et plein d’autres encore. Incubateur d’idées révolutionnaires et pouponnière de grands noms, ce micro quartier aux allures de centre de pèlerinage est le berceau de la contre culture, l’hypercentre de la communauté hippie, le point de départ du Summer of Love.

Pour prendre le pouls du quartier, on commence par grimper sur les hauteurs. La colline de Tank Hill domine tout Haight Ashbury et la vue au sommet est à couper le souffle. On voit presque toute la ville.

Et surprise ? Il n’y a personne. Un banc nous accueille et je me lance dans un petit cours de géographie urbaine pour le reste de l’équipe. On part du Golden Gate puis on identifie les différents quartiers. Ceux qu’on a déjà arpentés, ceux qu’on meurt d’envie de voir. D’ici, on ressent l’effervescence, la multitude, les contrastes. On constate surtout l’étendue des possibilités qui s’offrent à nous. Un vaste terrain de jeu qui vient d’accueillir de nouveaux joueurs.

En redescendant, on est attirés par une forêt qui semble avoir poussé au milieu de nulle part. Une forêt d’eucalyptus d’un vert incroyable et tellement dense qu’on est coupés de la ville à peine après y être entrés. A nous la gadoue et les glissades, on pénètre dans l’enfer vert pour voir de l’intérieur ce que la forêt a à nous offrir. Elle a été plantée, apprend-on, pendant la Seconde Guerre mondiale afin de cacher un réservoir d’eau qui aurait pu être la cible d’attaques japonaises…

Arrives au cœur du quartier, on déambule les yeux grands ouverts et le cœur en fête à l’affût des reliques du passé. Quartier tantôt rutilant, tantôt poussiéreux, Haight Ashbury propose à chacun de nos pas une palette de couleurs sensationnelles. Les rues Clayton, Fredericks, Haight et Ashbury mettent en scene des alignements de maisons victoriennes aux douces couleurs pastel, posées en équilibre sur une pente vertigineuse, leur donnant des allures de funambules.

Il n’y a pas de musées ici, pas d’attractions payantes. Juste de quoi se promener avec délice. Au 1524 Haight street, Jimi Hendrix a occupé un appartement de cette maison à la peinture rouge et or craquelée et élimée par le temps.

On devine l’intérieur : des rideaux gorgés et soleil et de poussière que personne n’a dénoué depuis 40 ans, une épaisse tapisserie murale et un intérieur sombre et accueillant. On se plaît à imaginer qu’une bulle temporelle à survécu là derrière ces vitres patinées par les décennies. En tout cas, on se plaît à se dire que peut être là, de sa voix roque et mélodieuse, les cheveux ébouriffés, le regard perçant et tendre à la fois, il a entonné quelques couplets, ses doigts glissants avec malice et une dextérité diabolique sur les cordes de sa guitare. « There must be some kind of way outta here … Said the jocker to the thief…« . (Bob Dylan). On montre à Louise sa photographie et on lui fait entendre les premiers accords de All along the Watchtower et de Hey Joe. Bon, elle n’est pas fan et préfère Ottis Redding, Ben E. King ou Chubby Checker. Tiens, on se rend compte que sur certaines photos, Papy avait la même tête que Jimi il y a quelques années…

Un peu plus loin se trouve la maison de Janis Joplin. Autre figure mythique woodstockienne fauchée par une vie de drogue et d’alcool à 27 ans. Elle a occupé elle aussi dans les années 60 un appartement de cette somptueuse maison victorienne, à son image : psychédélique, rose, vivante, abrupte et violente.

Le quartier regorge de petits coins ou manger. On s’arrête chez Pork Store Cafe. Un petit café miniature qui fait autorité depuis les années 70 dans le coin. On y vient pour prendre son petit déjeuner ou bruncher. La file d’attente sur le parvis ne nous trompe guère. C’est ici que ça se passe. 20min d’attente à peine et nous entrons dans la salle modeste qui se résume à un couloir le long d’un simple comptoir derrière lequel se trouvent les cuisines. C’est l’effervescence. On commande des œufs façon mexicaine servis dans des tortillas avec de l’avocat et tout un tas d’ingrédients mystère. On se régale et on se remet en route.

Haight Ashbury est un quartier ou règnent en maître les contrastes : spleen, nostalgie, atmosphère psychédélique, richesse et volupté, pauvreté et démence. Ça fleure bon la Marijuana d’une rue à l’autre. Agressés par l’odeur au début de notre installation, on finit par s’y faire. Ça fait partie du décor.

Plus loin sur Haight St, il y a Amoeba Music, LE disquaire dont Guy voulait arpenter les rayons. Face aux géants comme Amazon, l’enseigne résiste et attire une clientèle toujours plus importante. Acheter chez eux, c’est faire acte de résistance. Sur notre chemin, des boutiques toutes plus étonnantes les unes que les autres : des boutiques de vêtements hindous, des boutiques de t-shirt tye and dye, des boutiques Népalaises et tibétaines qui côtoient des boutiques de vêtements vintage années 30 ou de surplus militaire. Un homme au bagout incroyable croise nos regards alors qu’on jette un œil à sa boutique et en trois mots avec un improbable sourire charmeur, nous fait rentrer dans son magasin. C’est du surplus militaire : veste, rangers, t-shirt, bandanas. Je ne sais pas pourquoi, mais visiter ce magasin me plonge en un instant dans les années 70. L’ambiance débâcle de la Guerre du Vietnam, mouvement hippie, retour des vétérans… C’est surprenant et agréable à la fois.

Mais au fait et sinon… « Comment ça va ? Mais vraiment ?« . Cette question, posée par Alice alors qu’on profitait d’un petit coup de fil pour se donner des nouvelles raisonne encore à mes oreilles. On essaie de ne pas tout enjoliver sur le blog. On a de très bons moments et en même temps, il y a quelques temps, nous vous faisions part de notre petite phase descendante. La mort de ma grand mère, associée aux incendies qui ont menacé notre voisinage, aux mass shootings réguliers et à l’expatriation tout court nous avaient plongé dans une sorte de spleen. « Mais qu’est ce qu’on fait la ? ». Comme prévu, les choses vont  mieux et on remonte tout doucement la pente (qui n’était pas violente non plus). Bouger les meubles, refaire la déco, s’acheter une machine à coudre, penser à Noël et à l’arrivée de la famille, et avant cela penser à la pause imminente de Thanksgiving font du bien. On a en fini avec la paperasserie. C’est officiel, Guy a enfin reçu son permis de travail ainsi que son numéro de sécurité sociale (rien à voir avec ce qu’on appelle la Sécu chez nous : c’est un numéro d’identification qui va lui permettre entre autre, de pouvoir être payé). Il va pouvoir enfin travailler un peu et nous permettre d’être plus à l’aise financièrement.

On ne se plaint pas ceci étant dit. Depuis notre arrivée on ne peut pas dire que l’on se soit privés. C’est entre autre grâce à mes collègues du lycée Émilie du Châtelet. En guise de cadeau de départ, il m’ont laissé une somme d’argent gigantesque. Une seule consigne : ce sera pour profiter de San Francisco, pour vos loisirs m’ont ils dit. Tous les restaurants que nous avons fait, les sorties, les musées, aquarium et autres visites des Grands Parcs (on a acheté un pass annuel pour les grands parcs américains) on le leur doit. Une somme qui n’est pas encore épuisée à l’heure où j’écris ces lignes… C’est un cadeau parfait qui s’étire sur le temps long…

En attendant, la suite des aventures va très vite arriver : la semaine ne va durer que 3 jours puisque Thanksgiving arrive à grands pas. Vous nous connaissez, on va aller se promener évidemment. On vous raconte ça dimanche prochain ?

Bonne semaine à tous !

C, G & L.

6 thoughts on “Hey Joe

  1. Je veux voir ce quartier !!!! Trop bien, j’adore !
    Top pour Guy, un droit à bosser😉
    Bravo!
    Et bonnes fêtes de Thanksgiving, en attendant noël !
    Bisous

  2. Encore un superbe week-end. De très belle photos ? C’est génial, je me régale de vous lire chaque semaine. Alors à dimanche prochain. Des bisous à vous 3

  3. Coucou!
    J’adore toujours autant ces « petits » posts 🙂 Et puis ces photos, elles sont superbes!
    Merci de nous faire partager votre aventure américaine!

    Plein de bisous à tous les 3!

    PS : Je suis fan de la photo de classe de Louise!!!Ce sourire!!!!!!!A croquer!

  4. Merci de nous faire voyager depuis EDC 😉
    Hâte que tu nous racontes le jour de l’action de grâce (de gras peut être lol)
    Bises!

  5. L’architecture victorienne si typique de SF ! J’avais entendu dire qu’il voulait la supprimer :'(

    En voyant certaines maisons, je pensais à Amsterdam, puis tu as parlé de « l’ordeur » et là je me suis dit « ok, ils ont carrément copié Amsterdam XD ».

    Je me posais aussi la question, est-ce que c’est pas trop le seum l’Amérique trumpienne ? Les gens ont l’air si aimables mais c’est la Californie tu me diras !

    Bientôt l’épisode tant attendu de Thanksgiving !

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