Feu, glace et émeraude au pays de Bigfoot

Chers tous,

Nous avons profité des quelques jours de vacances que nous avons ici (1 semaine seulement) pour continuer à explorer la Californie. Pas de gros périple possible avec si peu de jours, mais nous avons tout de même pu aller voir ce qui se passe au Nord de chez nous, à 4h/4h30 de route.

On a fait nos sacs et on a pris la route !

Nous avons ajouté deux parcs nationaux à notre collection balbutiante : Lassen Volcanic National Park et Redwood National Park.

Parc #1 – Lassen Volcanic National Park – où la glace est brûlante.

Promenade vers les Sulphur Works – 3 miles aller/retour (4,8km)

De Red Bluff qui constitue notre base arrière, nous prenons une route qui serpente pendant près d’une heure entre des champs et des parterres duveteux. A mesure que l’on s’élève, le profil acéré et effilé du stratovolcan Shasta se dévoile. Son sommet, battu par les vents et perdu dans un nuage d’embruns et de glace, nous nargue.

 

Le petit parking du visitor center Kohm Yah Mah Nee est presque vide.  Si l’on compte notre voiture, il n’y a que deux véhicules sur place. Nous sommes officiellement 6 personnes à visiter la partie sud du parc ce matin là. Le ciel est d’un bleu éclatant et les pistes de luge nous tendent les bras. Équipés de pied en cape (récupération/prêt et location pour nos chaussures) on se lance à l’assaut des collines enneigées. Louise, dubitative et franchement effrayée au début, finit par se lancer toutes dents dehors dans des courses effrénées. On se tape les fesses sur la neige dure mais le sentiment est incomparable. On glisse ! Après plus d’une heure de glissades et de fou-rires, il est temps de manger. 

 

Comme des bleus et alors que nous avions compulsé le site à maintes reprises, on se retrouve devant une porte close :  le refuge Kohm Yah Mah Nee est fermé le lundi et le mardi en hiver. Et on est mardi. Évidemment. On fait donc 10 miles en arrière en espérant trouver un endroit qui vende de la nourriture (au pire, on a des compotes et des bananes). C’est chose faite à Mineral, incroyable petite bourgade sans âme, une ville rue ou personne ne semble vivre. L’épicerie annonce la couleur : « La maison se réserve le droit de ne pas servir un client sans lui fournir d’explication ». L’épicier bougon et peu loquace nous jette un regard noir quand on entre. On sort nos plus beaux sourires et on dégotte du pain, des tranches de cheddar et du jambon. Et le tour est joué.

L’après-midi, pendant que Louise bave (littéralement) dans le dos de son père, nous nous lançons dans une petite marche de 4,8km en direction des zones d’activité volcanique. Le feu couve sous la glace et les fumerolles de souffre dans cet univers gelé (il fait -4) donnent au paysage un aspect onirique.

 

La zone a des airs d’Islande et bientôt, dans l’air, flotte une odeur bien connue.  Le silence est presque oppressant et tonitruant à la fois. Une expérience fantastique. Habitués des foules, on goûte notre plaisir à être seuls. Ça a du bon de venir se balader dans un parc en hiver. On n’entend que l’agréable bruit de la neige qui craque et grince sous nos bottes. Il n’y a personne, le parc est à nous. Au bout de 30 minutes de marche, l’air s’emplit d’un bruit de cocotte minute et de bouillon. En l’espace d’un instant, nous voici replongés dans l’univers coloré, minéral et volcanique qui nous avait tant fasciné en Islande au Myvatn. Ici le feu couve sous la glace. Les couleurs se superposent et se chevauchent à l’infini pour donner des tons que l’on oserait guère imaginer. Les contrastes, saisissants, nous plongent dans un rêve éveillé. On resterait des heures s’il ne faisait pas si froid.

La soirée se termine autour de parts de quiches, de salades et de tartes sucrées. L’occasion pour nous de goûter l’inénarrable Marionberry pie, une spécialité de l’Oregon. On apprend que la Marionberry est le fruit d’un croisement de deux types de mûres (blackberry) effectué dans le comté de Marion dans l’Oregon en 1956. Le goût de la mûre est très prononcé et  sous forme de tarte, on peut vous dire que c’est un régal. Le restaurant permet d’emporter des parts. On ne se fait pas prier !

Arrêt #2 –  Trinidad – où on découvre une pépite insoupçonnée

Trailhead Trinidad – 1,5miles (2,4km)

Installé dans une zone reculée, le petit village de Trinidad est un petit port de pêche de 300 habitants où tout le monde semble se connaître. Un petit village comme on est ravis de trouver, où, pour notre plus grand bonheur, il n’y a strictement rien à faire. Ce petit bout du monde au charme tout islandais et à l’isolement tout patagonien a des airs de Puerto Natales et une atmosphère à la Neskaupstadur. Les gens sont souriants, on ne se bouscule pas et les points de vue sont grandioses.

On profite d’une fin d’après-midi pour se promener sur la tête de Trinidad, sorte de petite presqu’île à la Monemvasia (Grèce) rattachée au continent par un étroit passage. Le tour, en 1h, offre des points de vue sur le Pacifique de toute beauté. Notre passage dans une étonnante zone de bruyères rougeoyantes me permettent de saisir des contrastes incroyables : le rouge, le bleu de l’océan et au loin le blanc de plages de sables qui s’étirent à l’infini.

Il n’y a que le bruit des vagues qui s’écrasent sur les rochers qui berce nos pas… et Louise qui parle à voix haute et trace le chemin. Le temps de ramasser quelques galets pour faire du rock painting, nous voici de nouveau aux pieds du rocher. Pour couronner le tout, nous avons enfin l’occasion de goûter loin du tohu-bohu touristique une spécialité que l’on nous vante partout  : le fameux Clams Chowder. Servie dans un bol en pain, cette spécialité non pas de Californie, mais de Rhode Island/Massachusetts est une délicieuse potée de palourdes. Soupe épaisse comprenant des morceaux de pomme de terre, du céleri et tout un tas d’herbes, elle est « roborativement » délicieuse. Toute la famille aura eu droit à son bol en guise de repas du soir. Et au lit direction une petite cabane dans les bois.

 

Parc #2 – Redwood National Park, où on arpente une Cathédrale de Vert

Lady Bird Johnson Trail – 2 miles (3,2km)

Elk Prairie trail + Cathedral tree trail – 4 miles (6,4km)

La journée démarre mal. Je suis bercée dès les premières lueurs de l’aube par un clapotis régulier et chaleureux sur le toit de notre cabane en bois. Qu’il fait bon rester sous la couette quand le ciel s’emploie à noyer la forêt alentour. Mais nous ne sommes pas venus pour nous prélasser à l’ombre des Redwood. On se rassemble tout de même, un petit déjeuner vite avalé puis on se fait des sandwichs pour le midi. Alors qu’on entre dans la voiture, le sort s’acharne : il se met à grêler sévèrement.

Motivés malgré tout, on emprunte la 101 North pour 20 petites minutes de route. On se gare sur le petit parking du premier trail que nous envisageons : le Lady Bird Johnson  trail. C’est la catastrophe, il neige totalement dru. Cela dit, c’est très beau. A mesure que les flocons s’agrippent aux troncs épais des sequoias, le paysage est totalement changé.  On installe Louise sur le dos de Guy car le sentier est trop boueux et cela risque de tourner court. La pluie, la grêle et la neige transforment la forêt en une somptueuse cathédrale mystique, noyée dans une brume électrique à travers laquelle percent parfois,  furtivement, quelques pâles rayons de soleil. Les couleurs sont d’une vivacité effarante et l’espace d’1h et 3km, on s’immerge dans un royaume de silence aux tonalités émeraude.

 Le pique-nique est pris dans la voiture pour le plus grand bonheur de Louise et il est vrai que nos sandwichs thon-mayo-concombre ont une saveur toute particulière. La Marionberry Pie que nous dégustons en dessert achève de nous redonner des couleurs.

L’après-midi, Louise fait la sieste dans le dos de Guy pendant que nous randonnons près de 2h autour d’Elk Prairie. Le sentier est d’une simplicité magnifique et à mesure que nous pénétrons dans la forêt, parfaitement seuls, les contours de la Cathédrale de Vert s’affinent. La beauté du lieu réside à la fois dans les détails et dans les vues d’ensemble.

Sans être oppressante, la forêt nous encercle et les arbres nous écrasent par leurs hauteurs majestueuses. Le vent souffle et fait chanter les cimes quelques 100m au-dessus de nos têtes, dans une symphonie savamment orchestrée. Le soleil réchauffe nos visages. On se sent bien vivants et en même temps si insignifiants à côté d’êtres qui pour certains étaient déjà là au VIe siècle de notre ère.  Plus de 1500 ans. Hyperion, le plus grand être vivant sur Terre est caché là, quelque part dans une zone non dévoilée au public.

Bigfoot… et moi !

Cette forêt dense abrite des mystères qui alimentent notre imagination et pimentent notre randonnée : va-t-on tomber sur des empreintes ou bien sur Bigfoot lui même ? La légende est tenace et vivace. Dans ces contrées, on s’amuse à l’entretenir et à se jouer du mystère. D’une serveuse à qui je demande si on est en terre du Bigfoot, j’obtiens la réponse sans hésitation « You are RIGHT in it ! ». Après consultation de la carte des apparitions du Sasquatch-Bigfoot, il apparaît que le terrain est plus vaste que cela (toute l’Amérique du Nord !). Ce n’est pas grave, c’est une légende qui a bercé une grande partie de ma jeunesse (avec celle du monstre du Loch Ness, du Yéti et bien d’autres encore) et je dois avouer qu’il me plait de scruter intensément la forêt en quête de je-ne-sais-quoi.

La dernière surprise offerte par le parc se cache dans Elk Meadows. Comme son nom l’indique, des dizaines de cerfs  paissent paisiblement sous le soleil déclinant. Sauvages mais peu farouches, ils se laissent approcher et la rencontre nous marque profondément tous les trois.

 

Ce sont deux parcs très peu fréquentés en hiver qui nous ont ravis. Un excellent moyen d’échapper pour quelques jours à la folie de la ville et aux bruits du quotidien. Ce que l’on retient de ce court séjour ? La quiétude et l’isolement. Cela fait du bien !

On est de retour chez nous, des galets plein les poches et de jolis souvenirs plein les yeux. Demain, c’est déjà la reprise !

Bonne semaine à tous et merci d’être toujours si nombreux à nous lire !

C, G & L 

Petit sondage express : On a essayé de poster toutes les semaines depuis notre arrivée…il y a tellement de choses à raconter ! Est-ce que cela vous semble trop/  vaudrait-il mieux espacer les posts ?

@Seb : Le portrait de l’Indien au Café International, il me semble que c’est le chef Cochise, un Apache. Une photo magnifique ! Pour ce qui est du niveau de vie oui c’est exactement ça… la débrouille prime !

16 thoughts on “Feu, glace et émeraude au pays de Bigfoot

  1. Superbe cette escapade finalement assez proche ! Les grands espaces juste pour vous ou presque ça paraît impensable après Yosemite 😊. Pour le rythme des articles ça me va bien 😉
    Aller courage pour la reprise, ici aussi juste 1 semaine (et la même !). Aux prochaines vacances… On arriiiive 🙂 bisous !!!

  2. Non Céline, n’espace pas ! 😮 Si tu arrives à garder ce rythme (franchement je ne sais pas comment tu fais pour écrire autant chaque semaine), ce sera pour notre plus grand plaisir ! Lire votre blog est une vraie bouffée d’oxygène quand je suis coincée dans la ligne 13 pour me rendre au boulot le lundi matin ! 😉
    Pleins de bisous

  3. Magnifique ! Cela doit te demander un travail fou, mais qu’est-ce que j’aime te lire ! On a l’impression de vivre avec vous… toutes les semaines. Bises 😘

  4. Cette lecture hebdomadaire est devenue une habitude et est très appréciable. C’est mon petit voyage du lundi matin avant d’entamer la semaine de boulot, donc le rythme me va très bien. Bon courage pour la reprise. ☺

  5. Ma Célinou-Célinette, sans hésitation je te dirais de maintenir le post hebdomadaire. Tout comme Maniou, c’est mon moment évasion du début de semaine, le top départ de ma journée du lundi. Mais à toi aussi de voir le rythme qui te convient.
    En tout cas, c’est sûr, le jour où je mets les pieds aux States ce sera pour faire la tournée des parcs.
    La bisette à toute la compagnie.
    Zic.

  6. Magnifique escapade ! Je suis ravie de découvrir grâce à vous des endroits des États-Unis très peu connus (voire inconnus). Quand je vois les photos de la tête de Trinidad par exemple, je me dis qu’on est très loin des clichés sur le pays (il y aurait BEAUCOUP de choses à dire sur le sujet en géographie et en sociologie dans des cours sur le tourisme). Personnellement, les photographies de la première partie de votre séjour m’ont rappelé la Nouvelle-Zélande (et là je sens perler une larme de nostalgie de ce pays qui est je crois le pays visité auquel je repense le plus). Et puis la découverte de coins volcaniques, le kiff total !! Vous avez l’air ragaillardis par cette escapade, voilà de quoi affronter la reprise gonflés à bloc !

    Comme les autres, je suis une fidèle de l’article du lundi. C’est vraiment un bon moyen de contourner la grisaille extérieure ou morale de cette journée ! Après, je peux concevoir qu’il est parfois difficile de tenir le rythme d’écriture (même si je sais par expérience personnelle que vous écrivez aussi pour vous, pour figer vos souvenirs) et je crois que personne ne vous en tiendra rigueur si parfois vous relâchez le rythme ou ne postez qu’une ou deux photos avec quelques lignes d’écriture.

    Bonne reprise !

    1. Une belle semaine de découverte. Et c’est un réel plaisir de te lire et voir tes belles photos. J’en redemande !!! Bon courage pour votre reprise. Pour moi pas de reprise l’avantage de la vieillesse …. Des gros bisous à vous 3

  7. Eh oui, c’est moi… Enfin penseras-tu, avec raison… A croire qu’il fallait que je sois en vacances pour prendre le temps. Shame on me… Mais au moins, j’ai tout lu 😉
    Effectivement, la lecture de tes récits est toujours aussi agréable, riche, je me demande même si tu n’as pas le dictionnaire des synonymes à côté de toi pour trouver les termes adéquats !
    Je suis d’accord, avec Noémie, pour la Nouvelle-Zélande : on y retrouve les fumerolles, les couleurs cuivrées qui se mélangent au bleu turquoise, les séquoias toujours plus majestueux… Mais non, vous êtes bien dans l’Oregon!
    Ce dépaysement, cet isolement et cette météo auront marqué ce petit périple… ce sera sans doute une de ses caractéristiques!
    Continue à nous balader, dans ton sac à dos, puisque celui de Guy est régulièrement pris par Louise semble-t-il 😉
    Juste une question : Combien de filtres as-tu pour ton appareil photo pour avoir tant de couleurs aussi belles ? 😉
    A bientôt…. (j’attends la réponse, même si… ;D )

  8. Le sondage ne laisse aucun doute possible!! Et ma voix ne fera que s’associer aux autres pour dire mon plaisir à vous lire ( et faire lire) …Les souvenirs partent aussi si vite, quel privilège de pouvoir , grâce à l’écriture, les préserver un peu..

  9. Je suis, bien entendu, une inconditionnelle de ce blog ! En fait je suis une « aficionado » de tous les blogs / posts / histoires et commentaires de tous vos voyages ! Alors, oui, si vous arrivez à tenir le rythme d’une fois par semaine, ça me va parfaitement ! Et si d’aventure vous ratez une semaine, j’attendrai avec impatience la suivante pour vous lire. Vos images et vos récits sont de précieux moments que vous nous permettez de partager avec vous. Merci. 😊😘

  10. Pourquoi changer quand c’est bien, beau et captivant, en plus on voyage gratos , alors continue à nous faire rêver. Big bisous

  11. Coucou j ai toujours l impression d avoir tout vu avec tout vos voyages et bien non encore de belles découvertes j adore tes récits et moi aussi attend avec impatience le lundi quand tu es en vacance ça me manque 👍👍👍 bonne rentrée moi je profite de mamie Fabienne et papi René cette semaine on a pensé à Guy on a bu du pom pom gros bisous à vous trois

  12. Merci Céline de me faire voyager toutes les semaines.
    Merci de me faire partager cette semaine remplie de surprise et d’être accompagnée de GUY et de LOUISE qui ne rechignent pas.
    Un vrai talent d’écriture. Bon courage
    Gros Bisous à vous trois

  13. Coucou, surtout ne change rien!! Tes posts hebdomadaires nous permettent à tous de profiter un petit peu du voyage aussi…. et puis quels souvenirs pour Louise plus tard quand elle pourra redécouvrir tout ce périple par la lecture… bisous😘

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