D’art d’art

Les établissements américains ont apparemment pour coutume de faire des levées de fond pour financer une grande partie de leur fonctionnement. Les appels aux dons sont réguliers aussi bien auprès des professeurs que des parents (et quand on est prof ET parent je ne vous raconte pas). L’apogée de ces appels au don ? Le grand Gala annuel avec ventes aux enchères à la criée à la clé. Cette année, le gala à pour thème le bal masqué. Les professeurs n’y sont pas automatiquement invités non non. On peut y aller mais pour pouvoir y participer il faut dépenser la modique somme de 200$ minimum par personne. Autant vous dire que aucun professeur n’y va, disons de son propre chef. Toutefois, les parents qui y sont conviés (et paient aussi) sont autorisés à inviter qui ils souhaitent. Certains professeurs ont ainsi « la chance » de pouvoir accéder au Saint Graal : le repas du Gala. C’est mon cas cette année, comme celui de plusieurs autres professeurs. Les richissimes parents d’un de mes élèves de 6e ont invité toute l’équipe éducative de leur fils. Nous sommes deux à nous y rendre finalement. Je ne sais pas si c’est une chance véritable mais je m’y rend très curieuse de pouvoir jeter un œil à ce microcosme sociétal et d’approcher d’un monde qui – tout en ne me faisant pas envie – n’est pas le mien et est sociologiquement intéressant. Je dois avouer redouter un peu ce moment où des familles vont dépenser 30.000 dollars en une seule enchère pour tel objet ou telle expérience. L’opportunité m’est donnée d’être votre reporter d’un soir au cœur d’une partie de la richesse de San Francisco… alors je dégotte une paire d’escarpins, enfile une robe… Et en route !

On fait un relais : je pars chez les Schav, on passe chercher Quentin (autre collègue) puis on se gare à SF pour finir le trajet en Uber et éviter de payer 25$ de l’heure le parking. La soirée se déroule au Fremont Hotel dans le centre de la ville. On revêt nos masques, puis on est guidés vers la salle ou se déroulent le cocktail et l’enchère silencieuse. Petits fours, crabcakes et mini burgers assortis de Champagne. Certaines femmes ont sorti leurs plus belles robes. Tout le monde est sur son 31. On discute avec des parents, les collègues et un des patrons de Guy est là alors j’en profite pour aller lui passer le bonjour (j’ai sa fille en Terminale et j’apprends à l’occasion être sa prof préférée, « mais chut » me dit-il).

Au bout d’1h30, on descend dans l’immense salle de bal puis on prend place à nos tables. On a été un peu dispatchés et je me retrouve seule à une table, coincée entre une mère et sa fille, belges, installées à LA depuis 15 ans. Elles sont de très bonne compagnie mais de toute manière on ne s’entend pas trop : les enchères à la criée ont commencé et je bascule d’un coup dans un monde qui m’est totalement étranger. On a tous un petit carton à lever avec notre numéro pour pouvoir enchérir. Par peur du faux mouvement, je n’ai pas enregistré ma carte bleu sur mon numéro. On ne sait jamais ! Cela va vite, le showman enchaîne les lots. On commence par des bouteilles de vin, des expériences culinaires avec un grand chef, un penthouse à Paris pour 1 semaine, une villa au Portugal, un Rockrider offert par Décathlon, une cookie-party chez le proviseur… Le commissaire-priseur parle si vite que je peine à comprendre les chiffres. Le clou du « spectacle » est formulé par quelques élèves présents à la soirée : rénover la cour et la zone dédiée au sport sur le Campus d’Ashbury et… installer un mur d’escalade sur mon campus. Ce ne sont plus des enchères mais des offres. « Qui veut donner 20.000$ » ? Après un moment de suspense… un carton se lève et un tonnerre d’applaudissements embrase la salle. Puis on descend doucement : « qui veut donner 10.000 ? » Deux cartons. Hop, en 10min, 40.000$ ont été récoltés ! Quand on arrive aux 1000$, ce sont 38 personnes qui montent sur scène. Je n’ai pas tenu les comptes mais on frise à priori les 100.000$ levés en 30mn pour le mur d’escalade ! C’est incroyable. Je regarde tout cela d’un œil curieux en picorant dans mon assiette et en discutant avec mon duo belge. À 21h30 pile, les enchères et le repas sont terminés et un DJ prend le relais. Avec ma petite équipe (et la proviseur-adjointe), on fait les andouilles au Photobooth, on discute, on boit encore un ou deux verres puis on décolle.

  

Il est 22h30 mais on en a plein les jambes et la fatigue de la semaine n’a pas eu le temps de s’estomper. J’enlève avec bonheur les escarpins pour remettre mes ballerines et je remonte la 101 vers chez nous pour faire mon compte rendu à Guy…

Mis à part le Gala, La découverte du week-end, ça a été le SF Moma (San Francisco Museum of Modern art). Avec Guy on aime autant l’art figuratif grandiose et classique du XVIe que le constructivisme et l’abstraction du XXe. À notre grand regret ici, pas de collection classique renaissance à aller admirer. Toutefois, il y a la succursale du Moma de New-York ici. À nous Mondrian, Liechtenstein et Pollock ! Pour intéresser Louise aussi et faire qu’elle s’amuse, je lui ai créé un petit parcours autour de 8 œuvres choisies. Les plus marquantes pour une petite fille de 3 ans. Elle doit chercher et trouver les œuvres de son petit porte-folio, y mettre une gommette quand elle les a identifiées et pour certaines, compter le nombre d’araignées, associer une image en observant attentivement les peintures et retrouver des animaux dans des univers abstraits. Un bon moyen d’attirer son attention sur des petits détails et de lui faire observer les toiles !

Et puis finalement cela nous est très utile aussi. On regarde, on s’intéresse et on s’amuse avec elle. 8 œuvres seulement afin de ne pas la lasser, ce qui correspond à 1h30 environ de visite.
Comme pour l’Exploratorium la semaine dernière, nous entrons gratuitement au Moma grâce à notre carte de bibliothèque.
Économie réalisée :
– Exploratorium 30$ par personne soit 60$
– SF Moma 25$ par personne soit 50$

La visite est un succès ! Tant pour nous que pour elle. En plus des 8 œuvres visées, nous découvrons des Diego Rivera, Georges Braque, Mondrian.

Le musée est splendide et la collection très justement mise en valeur. On craque tous pour les monumentales araignées de Louise Bourgeois et c’est d’ailleurs ce que notre petit monstre préfère également.

 

Au hasard de nos balades, on tombe sur une collection incroyable d’Andy Wharol et son visage et celui d’Elvis sérigraphiés s’affichent en grand sur des murs blancs immaculés.

 

Du Kitch avec la célèbre statue de Jeff Koons de Michael Jackson, au pop art avec les répliques de la célèbre série de la cathédrale de Rouen de Monet par Liechtenstein, en passant par la très célèbre et très controversée « Fontaine » (un urinoir inversé) de Duchamps. Ce « ready-made » de l’artiste dadaïste (refusée au salon des artistes indépendants de New-York en 1917) repousse les logiques de l’art et questionne tant le rôle de l’artiste que la définition d’œuvre. Bon. Louise et Guy sont pas trop dadaïstes. Moi j’aime bien me questionner autour de ces démarches artistiques et des changements de points de vue et autres gestes esthétiques qui transforment un objet du quotidien en autre chose…

 

Bref mais on ne s’attarde pas. Et on rentre après notre visite, embourbés dans la marée verte de la Saint Patrick qui transforme notre retour en croisade, au son des cornemuses… Le temps pour Louise de piquer un somme.

Sinon aujourd’hui c’est dimanche pour nous. Journée pyjama gâteaux dessins animés encouragés par la fantastique météo de la Baie…

Bonne semaine à tous !

C, G & L

Quelques réponses à vos commentaires :

@Seb : oui, on peut s’en sortir pour pas trop cher mais… cela peut monter rapidement aussi !

@ Pascal : Ah tu as mené ton enquête ? 🙂 Oui clairement si on rate le bus, on a pas vraiment d’autre alternative !

@ Evelyne : Merci pour le remède ! Oui la saison n’est pas hyper propice mais on croise les doigts, on devrait s’en sortir progressivement 🙂

@Fanfan : On essaie on essaie ! Moins évident qu’en France, mais il y a aussi ici heureusement de très bons produits une fois le tri fait !

6 thoughts on “D’art d’art

  1. Une sacrée découverte, c’est incroyable de voir ce genre de soirées et de dépenser autant de fric…
    Pour le musé le prix de l’entrée valait le coup. Bonne semaine et à la prochaine de te lire. Bisous

  2. De vraies femelles caméléons ! Les rayures de Louise se perdent dans celles du gigantesque tableau qu’elle est en train d’admirer, les jambes et escarpins de sa maman se fondent sans mal dans le décor somptueux, bravo pour toutes ses percées victorieuses en territoire inconnu … et merci de continuer à nous les faire si bien partager. Grosses bises.

  3. Super idée ta visite illustrée de gommettes pour Louise: quelle prof et quelle maman (chut!)
    Bonne continuation à vous la petite famille frenchy de SF bisous aux Schav enfin surtout el padre.
    Gaëlle C comme Cesbron

  4. J’ai tellement hâte ma petite Celine que tu nous emmènes au MoMa tu nous prépareras aussi un portefolio Avec des gommettes ? J’en rêve !😘

  5. Wow ! Les institutions sont un peu abandonnées j’ai l’impression dans ce pays ! Obligé de faire la manche aux grosses fortunes pour financer le budget d’une école D: Le genre de dérive capitaliste qui donne envie de faire la révolution !

    C’est géniale cette visite pédagogique et ludique du musée ^^

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