E comme expatriation – 1 an à San Francisco

Voilà on est le 9 août. C’est l’anniversaire de notre première année.

12 mois que nous sommes ici. Le temps de faire un premier bilan. Nous avons il y a peu commencé à voir la lumière au bout du long tunnel qui attend tout expatrié : le tunnel des phases de l’expatriation. C’est très théorique et j’ai même eu droit à un cours dessus à la fondation qui sponsorise mon Visa. Du « blabla » que j’ai écouté d’une oreille distraite. Pour finalement me rendre compte que, avec plus ou moins de décalages, et surtout en fonction des situations potentiellement très très (très) différentes de chacun, nous vivons tous à peu près les mêmes moments.

Retour en images et en mots sur cette année qui vient de s’écouler.

Phase 1 – Tout est beau, tout est découverte. C’est une vraie « lune de miel ».

Ça a été une phase fantastique. Elle correspond à notre mois d’Août et début Septembre. On découvre, on vient d’arriver et on est tout feu tout flamme. Il y a tellement de choses culturellement différentes, mais c’est drôle et ça nous amuse ! On est ravis d’aller poireauter au DMV, de tester la longueur de la file d’attente de la sécurité sociale, de manger de la mauvaise crème fraîche et de découvrir que toutes les saucisses ont un goût de cardamome (trop) prononcé. Les distances nous fascinent, on se gave de burgers et on s’accommode de tout. La première fois (et loin d’être la dernière) que le facteur se trompe de boite aux lettres, les premières amendes à 100 dollars que l’on paie « rubis-sur-l’ongle », la radio qui débite tout un tas de trucs incompréhensibles, les démarches administratives qui n’en finissent plus. On est seuls au monde, mais « c’est pas grave ! » et puis « c’est ce qu’on voulait non ? ». On est loin, on est bien. On a pour tout horizon les montagnes de Marin County, le Golden Gate et nos nombrils.

Phase 2 – C’est la crise, la dépression. On est en plein choc culturel.

Ça, c’était le premier mois et demi. Puis très vite, des nuages se sont amoncelés. Les feux qui menacent la région et la pluie de cendres qui tombe sur nos têtes, les mass shootings. Ma grand-mère surtout.

La routine se dessine. Les aller/retours deviennent plus pesants, les démarches n’en finissent plus, la nourriture manque et la famille  et les amis encore plus cruellement. Dans cette période, qui est allée de mi Septembre à Novembre (oui ça été assez long), tout était prétexte à râlerie. Le bonhomme de la radio qui parle beaucoup trop vite et puis merde ils passent jamais de Jean-Jacques Goldman sur cette radio ?, la nourriture infecte (les américains n’ont pas de palais c’est incroyable), les distances (heu, on va se taper 60 bornes A/R tous les jours là ? Parce que c’est un peu pénible en fait), la tonne de glaçons mis dans les verres au restaurant (et je le mets où mon soda ? Sur mes genoux ? Et d’ailleurs ils ont pas autre chose que du soda ?), les démarches qui n’en finissent plus (oui, je passerai mon permis quand j’aurai le temps, là franchement c’est pas le moment), les bulletins et les réunions qui nécessitent de s’organiser pour récupérer la petite (on a qu’une voiture. En fait c’est chiant), la maison (mais en fait c’est sombre ici. Y’a jamais de soleil ?), le climat (il est pas censé faire chaud en Californie ? On se croirait en Bretagne), les gens (il n’y en a aucun qui fait un effort franchement. Nous on parle trois langues et eux sont incapables ne serait-ce que d’articuler), les maladies à répétition de Louise (c’est ce fichu pays qui la rend malade. On rentre !), l’arbre à côté de chez nous ( heu, il compte semer ses boules sur notre terrasse toute l’année celui-ci ?), la pâte feuilletée qu’on était pourtant contents d’avoir trouvée (pourquoi ils font une pâte feuilletée carrée ? Ils savent pas qu’une quiche c’est rond nom-de-dieu ?), l’absence de boulangerie (alors quoi, on connait pas les pâtisseries ici ? Quelle vie insipide) et même les voisins discrets (ils pourraient franchement dire plus que bonjour c’est incroyable). Bref. Il n’y a rien qui va. Et je vous parle pas de ma coupe de cheveux tout en frisure liée à l’humidité ambiante. On est un peu colère. Un jour sur deux. De vrais « Jean-qui-rient-Jean-qui-pleurent ». Tout est prétexte à râlerie.

Phase 3 – Vient l’adaptation, l’intégration et l’acclimatation.

On a fini par en prendre notre parti. De toute manière on est là. On s’est pas avalés quasiment 10 mois de démarches au total pour repartir en France comme des gueux. Donc on ne lâche rien. Puis c’est pas si mal ici. Souviens-toi à Torcy. L’appartement était chouette mais c’était bruyant. On profitait du balcon uniquement le jour du Troc et Puces quand il n’y avait pas de voitures. On a acheté une clé USB pour pouvoir parfois (souvent) se passer de la radio et de ses publicités interminables. On découvre qu’à Trader Joe’s ils font du vrai bon chocolat. La famille arrive pour Noël. On prend nos repères et on commence à repérer des boutiques sympas pour habiller Louise (il y a un vrai problème avec les vêtements enfants ici… c’est tout froufrouté et rose) et lui faire de jolis cadeaux pour Noël. Guy vient de trouver un travail, on est moins en flux tendu. On trouve plein de plans gratuits. Il y a certaines choses ici dont on devrait s’inspirer en France, c’est franchement très pratique. Le fait de s’arrêter au feu rouge avant le croisement. C’est bien ça. Les carrefours sont jamais encombrés, c’est quand même pas bête (ah les carrefours parisiens). Les sièges « lit » au cinéma. Quelle bonne idée. On est ultra confortable. Le flexible de douche au robinet de la cuisine. En fait c’est hyper pas mal. Et puis c’est sympa qu’on puisse recevoir un colis Amazon sur le pas de notre porte sans que personne ne vienne nous le piquer. La politesse appuyée et apparente. Bon ce n’est qu’un masque mais au moins c’est plus sympa que la râlerie à la française. Et puis ici tout est négociable. Même chez le docteur. Il y a quelque chose de moins figé qu’en France. Bref. Il y a des trucs biens auxquels on se fait tout doucement. Les différences culturelles s’infusent progressivement et  les mois de Janvier, Février et Mars sont marqués par une acclimatation évidente. Je décroche mon téléphone et je me mets à tout négocier. Et dans un anglais pas trop mal s’il vous plaît. Des factures sont annulées, des montants d’assurance revus à la baisse (Geico – assurance voiture  que j’ai littéralement harcelé – n’a qu’a bien se tenir), le pédiatre qui veut clairement nous soutirer de l’argent est proprement envoyé sur les roses. On à la baraka, on respire. 

Phase 4 – Enfin la maturité et la stabilisation.

C’est la phase dans laquelle nous sommes entrés à partir du mois de Mai. Il aura fallu 10 mois. Presque 1 année entière. On s’est accoutumés. C’est un peu comme si ça y est : tout en gardant nos distances, nos spécificités françaises, nos attentes et nos traditions, on embrassait les coutumes américaines. Celles qu’on veut, qui nous conviennent. On a fait le tri. On a pris un rythme et on commence à comprendre comment les choses fonctionnent ici, comment les mentalités conditionnent absolument tout. On sait ce qu’on peut demander, ce à quoi on peut s’attendre et ce sur quoi il ne faut absolument pas compter. Finalement il y a pas mal de choses possibles ici. Bon, on ne fera pas notre vie aux Etats-Unis c’est certain. Mais pour deux ans, on va s’y faire. On a appris à dompter le mythe et à s’en détacher. On est plus critiques, maintenant « on sait » tout en ayant conscience de n’avoir qu’un savoir limité à cette petite année sur place.  Le rêve américain n’est bel et bien qu’un rêve sur cette « Land of promises » (terre des promesses) qui ne les tient pas forcément toutes. On voit ce que la société américaine a de bon à offrir – pourquoi elle attire – mais aussi ce qu’elle cache et dissimule plus ou moins soigneusement sous le tapis brodé à l’or fin.  Le Golden State a ses portes grandes ouvertes mais on a pris conscience d’une chose importante ici : sans argent, on est rien. Ou en tout cas pas grand chose. Et on ne peut pas compter sur l’aide d’un Etat Providence inexistant  pour amortir la chute.

On est désormais irrémédiablement attachés à ce pays en partie parce qu’on est y expatriés, mais surtout parce que notre deuxième fille y a vu le jour et est citoyenne américaine. Qu’on le veuille ou non, ses origines françaises sont enracinées ici, auprès de nous dans un petit coin de Marin County. Nous qui ne sous sentions pas particulièrement attachés au pays, le voyons désormais sous un autre angle. C’est le pays de Lucie. Une jolie histoire que l’on va ajouter à la mémoire de notre petite famille de filles.

S’il fallait dresser un bilan en quelques mots, je dirais que cette année à été tour à tour engageante, enivrante, alambiquée, délectable, séduisante, complexe parfois détestable, authentique, enchevêtrée, sibylline, dystopique, majestueuse, trouble voire outrecuidante, estimable, impertinente et occasionnellement insolente.

Mais surtout passionnante.

Ensorcelante.

Vivante.

Une année toute en merveilleux contrastes qui s’est écrite au fur et à mesure, sans aucune règle. Une jolie prose rédigée à six puis huit mains.

On vous a tout résumé en 8 minutes. 1 an de vagabondage à San Francisco (mettez le son !).


A bientôt pour la suite des aventures,

C, G, L&L

Quelques réponses à vos commentaires :

@ Anne-Ga : Oui tu m’avais parlé de ton voyage dans ces contrées magnifiques : ) En effet, tu devais certainement te lever moins tôt que nous… ! On t’embrasse fort tous les 4 !

@ Evelyne : Tu ne vends pas ta voiture par hasard ? : ) Oui il faudra qu’on réfléchisse à un autre modèle certainement… surtout parce que notre Clio Diesel ne pourra bientôt plus rouler ! Merci pour tes compliments en tout cas (je te ferai une photo de mes cernes dans quelques jours).

@Noémie-pile-poil : Tu es adorable ! Cette petite fille est de plus en plus craquante (je suis tellement objective) et sur les chemins de rando, elle fait fureur ! Tu as tout à fait cerné la région : elle est fascinante ! Comme disait le représentant télé qui est venu frapper à la porte de notre Airbnb tout à l’heure : l’Utah a beaucoup à offrir ! Cette Amérique du Nord telle que tu la rêves existe bel et bien ici ma chère Noémie !

@Sébastien : Merci ! On se régale ici ! Les parcs sont très très entretenus oui ! A 35 dollars l’entrée multiplié par 2 millions de visiteurs par an à Zion, ça fait un bon petit budget : ) Et puis des volontaires sillonnent le parc en randonnant et ramassent ce qui malheureusement a parfois échappé au randonneur tête en l’air. Mais globalement c’est très très propre.

@ Mamounette : Cette région te plairait Maman ! On a pas autant de sensations fortes que vous (pas encore de requins sur les chemins de rando) mais on voit vraiment des choses incroyables … !

11 thoughts on “E comme expatriation – 1 an à San Francisco

  1. Salut Céline, Guy et la petite famille,

    Cela fait déjà 1 an que vous êtes parti aux USA et c’est la première fois que je lis un de vos posts (shame on me !). Mais je crois que j’ai lu le plus important car il résume en quelques (centaines de) lignes vos 12 premiers mois.
    C’est marrant car votre expérience me rappelle celle que j’ai vécu y a 14 ans déjà a Beijing… un peu les montagnes russes mais c’est finalement une expérience unique qui est donné à peu de gens de connaître. Dans 1, 2 ou 3 ans, lorsque vous serez loin de la côte américaine, vous rigolerez vraiment de vos « tracas » de l’epoque. Je pense que ça donne une autre vision de la France. On peut ensuite mieux apprécier ses bons cotes, tout en sachant mieux comment éviter ses désagréments.
    Pendant que vous fêtez vos 1 an d’expatriation, je m’apprete a fêter mes 10 ans… à ce niveau la, on ne parle plus d’expatriation mais de choix de vie.
    Au plaisir de vous revoir bientôt en France, en Chine ou aux US !

  2. Merci encore de nous faire partager cette passionnante aventure. Le bilan montre à quel point cette expérience est enrichissante. Bravo à vous (et bonne continuation) !
    La vidéo est superbe : que de beaux sourires ! 😊

  3. ❤❤❤
    Très joli post… Une belle rétrospective sur cette année passée avec ses hauts et ses bas.
    Bon forcément, la vidéo m’a fait monter les larmes aux yeux…Merci à vous de nous partager tout ça.
    On pense très fort à vous.

    On vous embrasse 😙😙😙

  4. Super retour sur cette première année et magnifique vidéo qui laisse le sourire de A à Z !
    Que d’aventures et ça passe si vite ! Comme une impression de vivre à 300% sa vie tellement c’est intense comme expérience ❤.
    Plus que ravis d’avoir partager de merveilleux moments ensemble. A votre tour de venir 😍.

  5. Quel enrichissement (et là je ne parle pas d’argent) J adore la vidéo et surtout la bouille de Louise sur toutes les photos elle est a croquer bisous

  6. Joyeux anniversaire d’expatriation!!!
    Que les jours, les semaines, les mois passent vite!
    Une année tellement bien résumée!
    J’adore la vidéo, très drôle!
    C’est une belle expérience que je vis avec vous. Je ne peux m’empêcher de vous féliciter pour votre gestion réglée judicieusement
    Je vous souhaite juste le meilleur pour la deuxième année
    Je vous embrasse

  7. Salut vous quatre.

    J’ai tout lu, tout vu, tout suivit de votre année. C’est super enrichissant, t’es super agréable à lire. J’me marre au moins une fois par post. Vous me faites rêver, même sans mettre sous le tapis les galères du quotidien et de l’adaptation.

    J’suis super ému de l’arrivé de Lucie – et de voir vos tronches sur cette vidéo, j’me dis qu’elle a à coups surs une bien belle vie devant elle.

    Vivement la suite 🙂

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