Hier encore

La semaine qui vient de s’écouler a été marquée par les commémorations du Centenaire de la Grande Guerre. Et… toute aussi grande a été ma frustration. Il faut dire qu’ici, on est entrés tardivement dans le conflit et ce n’est pas lui qui est retenu comme conflit fondateur dans la grande Geste héroïque de l’histoire américaine. Aussi, j’ai beau compulser frénétiquement la moindre gazette, le moindre journal, passer les bibliothécaires à la question… je ne trouve rien. Allons bon ? Pas même une trompette, un dépôt de gerbe à 11h ? Moi qui avais coutume en France de trimballer Louise chaque 11 novembre au monument aux morts de Torcy, d’assister aux discours, aux lectures de lettres et au tintamarre de la fanfare sous l’oeil sérieux des portes-drapeaux anciens combattants… je suis comme esseulée. Le bibliothécaire s’en amuse : « Vous êtes française ? » me dit-il. « Ah oui c’est vrai qu’en France ils font beaucoup de choses pour commémorer mais ici… je ne crois pas ». Fin de non-recevoir. Je vais devoir me regarder, en pyjama et la larme à l’oeil, l’édition spéciale du journal de 13h de France 2 avec 9h de décalage, loin de la France, de mon monument au mort et de mon Histoire. Qu’à cela ne tienne ! J’irai – seule s’il le faut – au monument aux morts de Sausalito (c’est, avec celui de San Rafael – le seul de Marin County). Si l’historien n’a pas vocation à commémorer, je dois dire que ces instants mémoriels sont pour moi des instants importants que j’espère bien transmettre aux filles. Cette mémoire que j’ai vu s’évanouir progressivement puis disparaître au début de ma carrière (Lazare Ponticelli, dernier poilu, est mort en 2008, année de ma titularisation en tant que prof), je cherche à l’entretenir, un peu comme on entretiendrait la mémoire de ses aïeux. Il me semble important, essentiel d’alimenter le souvenir, de le transmettre. D’en tirer des leçons.

C’est à ce titre que nous avons organisé, mes collègues et moi même, une Commémoration au lycée. Depuis septembre, nous nous réunissons afin de pouvoir mettre sur pied une cérémonie. Au terme de 2 mois de réflexion et de travail sur une kyrielle de détails (que fait-on ? Qui on invite ? Et la plaque ? Et qui dit quoi ? Et les anciens combattants ?), nous avons pu recevoir vendredi 9 novembre, 4 consuls qui ont répondu positivement à notre invitation : France, Grande Bretagne, Australie et Allemagne. La cérémonie est animée par deux élèves pour lesquels il a fallu écrire tout un script, mise en lumière par trois élèves qui savent utiliser les spots de l’auditorium (et qu’il a fallu guider), les CM2 des campus de primaire ont chanté, 3 élèves (CM2 et terminale) ont lu des lettres célébrant la Paix en français, anglais et allemand. D’autres élèves se sont succédés pour poser des questions aux consuls présents sur scène (questions préparées en avance, puis envoyées aux Ambassades en amont), une plaque commémorative a été dévoilée (il a fallu réfléchir au texte). Les 3ème ont entonné l’Hymne à la Joie pour clôturer  et une (toute petite) réception a été donnée.  Un beau moment que les élèves ont beaucoup aimé. Les consuls se sont révélés être très accessibles et sympathiques et deux d’entre eux (France et Allemagne) se sont proposés pour venir en classe dans l’année pour s’entretenir avec les élèves sur les relations internationales (le consul de France a été négociateur à l’ONU).

Aujourd’hui, 11 novembre, à 11h, je me suis rendue avec Louise assister à une toute petite cérémonie commémorative à la Chapelle du Presidio (le quartier qui s’étend directement de l’autre côté du Pont). Les cloches ont sonné 21 fois de façon traditionnelle pour honorer le souvenir des Morts de la Grande Guerre. Comme dans toute la nation paraît-il. 116.516 américains ont donné leur vie et plus de 200.000 ont été blessés. En sortant, nous sommes allés au monument aux morts de la Grande Guerre de Sausalito, qui honore la mémoire de quatre de ses enfants tombés sur les champs de bataille français. Louise glisse une fleur dans la couronne qui a été installée sur le mémorial pour l’occasion. Quelqu’un a délicatement déposé quelques roses blanches. Voilà, c’est fini.

 

On rentre à la maison et… comme nous sommes privés de sortie depuis quatre jours déjà, on s’occupe en se lançant dans plein de petits projets qui amusent follement Louise. Réparer un bol cassé, créer d’incroyables petits envahisseurs, faire des crêpes.

Les fumées des incendies à 4h de route de chez nous se dissipent puis prennent de nouveau de l’ampleur rendant l’air irrespirable. On ne voit plus le mont Tam. La voiture est couverte d’une très fine pellicule de cendres. Quelque part plus au Nord, Paradise part en fumée et c’est un petit morceau de la Californie qui disparaît. Encore.

C, G, L&L

3 thoughts on “Hier encore

  1. Voilà c’est malin ! Tu me fais pleurer 😢 Quelle énergie !quelle détermination tu as ! quelle belle plume aussi ! bravo ! Les images des incendies sont terribles ! Et ce con de Trump qui veut couper les arbres pour éviter les incendies ! En grève aujourd’hui 😄Grosses Bises josiane

  2. Bravo Céline, c’est tellement important de garder le souvenir…pas que des voyages et des choses agréables, mais bien de toutes les atrocités dont est capable l’humanité, pour ne plus jamais, plus jamais les revivre… je suis en tout cas épatée de constater, une, l’énergie de votre équipe enseignante, deux, que des  » politiques » répondent à votre demande et se rendent accessibles. Parler, parler, raconter , expliquer aux jeunes générations…Je ne désespère pas de l’intelligence de certains de nos dirigeants , qui éviteront, peut être , les perditions qui se profilent.
    A bientôt !

  3. Bravo pour cette commémoration !

    Ça doit être un peu anxyogène de vivre dans une région qui est en proie régulière à des incendies de grande ampleur ! Vous avez des consignes de sécurité ?

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