Promenades dans le Grand Nord – Seattle

Il y a une atmosphère ici. Un je ne sais quoi de différent. Le froid c’est certain. Mais il y a aussi la lumière. Elle semble plus diaphane, moins tranchée. Et puis il y a le vent du large. Le froid du Pacifique Nord qui pénètre dans le dédale de la Puget Sound et vient glacer les joues et engourdir nos mains. Il y a ces mouettes aussi qui virevoltent dès le petit matin entre les gigantesques tours de verre de Downtown. Seattle n’est pas une belle ville. C’est une immense zone industrialo-portuaire aux cheminées fumantes et où les cargos font des aller-retours incessants vers tous les bouts du monde. Les docks s’étirent à perte de vue et de gigantesques grues déchirent l’horizon et déchargent conteneurs sur conteneurs. On se croirait plongés dans un tableau de Turner, aux premiers temps de l’ industrialisation, les couleurs en moins. Mais Seattle a une âme. Quelque chose d’attachant. Nourrie d’influences éclectiques, patinée par le temps, couverte de graffitis, prise dans les glaces, elle a une histoire. Elle vit et attire.

Seattle figurait dès le départ sur notre bucket list. Allez savoir pourquoi. On s’est dégoté un petit airbnb en plein cœur de la ville, des snow boots et des grosses vestes, on a dégainé les gants et la carte de touriste. En 2h de vol (et 5 de transfert), on est arrivés dans celle que l’on surnomme depuis la ruée vers l’or du Klondike, La porte d’entrée de l’ Alaska. On a rien eu le temps de préparer et on a donc déambulé en prenant ce qui vient. Quitte à rater des choses. J’ai essayé – pour une fois – de faire efficace et concis : voilà 10 choses que l’on retient de notre séjour.

1 – Le traditionnel gastronomique et le décalé non hygiénique

On a visité le Pike Place Market. C’est un lieu incontournable de Seattle. On y croise peu de monde à 9h le dimanche si ce n’est quelques rares touristes tombés du lit, des jeunes parents levés aux aurores et surtout des locaux et des vendeurs. On s’arrête regarder le Roll Call traditionnel qui voit l’attribution des zones de ventes aux vendeurs (les places ne sont pas fixes) et on passe dire bonjour aux cochons-anges-gardiens qui gardent le marché. Surtout, on assiste, les yeux rieurs, à la voltige des saumons à qui des ailes semblent avoir poussé. Les jeunes poissonniers, d’une seule voix – gutturale – se lancent dans un chant tous en cœur et s’envoient des saumons qu’ils attrapent à la volée – in extremis – , sous le nez des passants médusés. On passe de petite boutique en petite boutique : l’empire du chocolat, le royaume des bagels, le monde des fruits et légumes… A l’extérieur, les magasins rivalisent d’ingéniosité et les files d’attente s’étirent devant le polonais Piroshky Piroshky ou devant le tout 1er Starbucks au monde à avoir ouvert ses portes (avec le logo original en prime). On dégote une boîte de chewing-gums à la cannelle pour s’adonner au sport national dans la petite rue derrière le marché : coller sa gum sur le mur. Avec des centaines de milliers d’autres. C’est totalement écœurant et il faut faire preuve de la plus grande habileté pour ne pas tripoter le chewing-gum voisin imbibé de salive. Louise adore évidemment et se prend au jeu (et moi je cherche frénétiquement un endroit où lui laver les mains).

2 – La tête dans les étoiles et les pieds dans la Puget Sound 

Tour emblématique de Seattle, le Space Needle nous attire depuis notre arrivée. Il ne faut que 41 secondes pour parcourir la distance entre le sol et la plateforme d’observation. Là-haut, malgré le mauvais temps, la vue est superbe et nous sommes impressionnés tant par l’étendue de la Puget Sound que par la physionomie de la ville. On fait quelques photographies de touristes puis on descend d’un étage pour accéder à la plateforme du dessous. Surprise, le sol est en verre ! Si Louise est tout à fait à l’aise à marcher sur un sol totalement transparent (du moins au début), je dois avouer pour ma part avoir des difficultés à poser le pied sur le verre et j’ai tendance bien malgré moi à me déplacer sur les poutres en acier. La vue est incroyable et l’effet est totalement bluffant ! La tour, au premier abord plutôt quelconque, est en fait un chef d’œuvre d’ingéniosité. Une soucoupe volante comme reliée au sol par une fine cordelette.

3 – Du verre en cascade

Nous sommes allés voir un musée consacré à Dale Chihuly, un des plus grands souffleurs de verre au monde. Bon alors sur le papier, cela n’est pas forcément totalement exaltant. Mais je dois dire que le travail effectué est improbablement spectaculaire. La mise en scène est très judicieuse : des salles dépouillées plongées dans le noir et des compositions éclairées de l’intérieur. On a le sentiment de pénétrer dans une douce rêverie, dans un monde sous-marin teinté d’onirisme. De la poésie en verre. On ne s’attendait à rien et c’est au final captivant. A deux pas de là, l’Olympic Park, annexe du Seattle Museum of Art, expose d’énormes sculptures contemporaines (dont une de Calder) que l’on contemple sous le doux soleil de l’après midi, les pieds dans l’eau. Enfin presque.

4 – Le berceau de la musique ?

On attendait avec impatience la visite du MoPop Museum, musée de la Pop dédiée à la musique des années 70-90 et à la culture Pop. Bon et bien on a été plutôt déçus. En lieu et place d’un énorme musée à l’architecture folle inspirées des smashed guitars de Jimi Hendrix, on a visité 3 salles dédiées à la musique, une aux jeux vidéo indépendants et une autre aux films de science fiction. Et c’est tout. Alors oui l’architecture est fantastique, les mises en scène envolées et les objets exposés sont beaux et rares. Oui la salle consacrée à Jimi est intéressante mais elle ne se concentre que sur la période 1966-1970. Et elle tient dans une salle de 20m2 tout au plus. Pour une exposition consacrée à l’enfant sacré du pays… on attendait plus et l’expression « un goût de pas assez » est trop réductrice pour qualifier le petit sentiment de frustration qui nous assaille en quittant, au bout d’1h45, le musée. On retiendra… les belles photographies et les manuscrits de Jimi Hendrix, les guitares cassées de Kurt Cobain, l’écoute de All Apologies de Nirvana au casque et l’univers psychédélique de Pearl Jam. On retiendra surtout nos pâtisseries françaises de la boulangerie La Parisienne, sur la 4th avenue. Christine, la boulangère, s’est prise d’affection pour Louise et Lucie et à chaque fois que l’on passe… Louise repart en bonus avec des chouquettes « pour ton snack de 4h » !

5 – La ville de Boeing et de l’aviation

Petit détour vers le Sud de la ville. On attrape un Lyft qui nous dépose aux pieds du Museum of Flight. On en parle pas trop dans les guides mais on est tout de même attirés par ce musée qui nous rappellera – on le sent – des bons souvenirs de l’incroyable National Air and Space Museum de Washington. Le musée est conçu très simplement autour de plusieurs hangars. Les pièces à voir sont impressionnantes et vont des avions de chasse furtifs au vieux modèles de la Première guerre mondiale. Louise est aux anges puisqu’elle peut côtoyer deux de ses idoles : Amelia Earhart et Neil Armstrong. Elle peut voir le modèle du dernier avion que cette pionnière de l’aviation a piloté et entr’apercevoir le vrai module lunaire avec lequel Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont aluni le 20 juillet 1969 (entr’apercevoir seulement puisque le musée vient de recevoir tous les artefacts liés à Apollo 11 en provenance de Washington et… l’exposition est en cours de montage. Arf malchance !). Il ne lui en faut pas plus pour me faire relire 20 fois son livre consacré à Neil. Surtout, dans ce musée on peut entrer dans pas mal d’avions : du Concorde à Air Force One en passant par l’un des tout premiers vols commercial aux E. Unis. Un très beau musée dans lequel on pourrait se perdre des heures.

6 – Bainbridge Island

Quoi de mieux pour voir la ville de loin que de prendre un peu de distance ? Exit les tours guidés, on prend comme tout le monde le ferry que de nombreux commuters empruntent pour aller travailler. On jette notre dévolu sur le ferry de Bainbridge Island. 35 minutes nous permettent de traverser une partie de la Puget Sound et d’admirer la skyline de loin. C’est que la ville n’est pas si laide que cela finalement. De loin en tout cas. Le temps est splendide et nous permet de voir les montagnes de l’Olympic National Park, les milliers d’îles et de fjords de la Puget et de prendre un bon bol d’air pur. Sur Bainbridge Island, n’étant pas amateur de vin, ni fashionista, ni rat de casino (et ni octogénaire si on regarde les passagers qui nous accompagnent ce matin là), on ne reste que le minimum. Une petite heure pour aller voir le port, faire une petite promenade et retour sur Seattle.

7 – Pioneer district est un peu le quartier originel de Seattle. Celui autour duquel toute la ville s’est construite. Ainsi, architecturalement, le quartier vaut le coup d’oeil. Construit fin XIXe siècle et porté par les richesses issues de la ruée vers l’or du Yukon (Klondike), le quartier est marqué par une architecture type qui – sans être sardanapalesque – est admirable : des briques rouges, des arcades, des ornementations florales, des colonnades et des structures en fonte (cast-iron) emblématiques de l’industrialisation. Et puis la ville a grandi et est s’est enrichie. On devine des bâtiments années 30 et les façades rivalisent d’ingéniosité et de fastuosité sans jamais verser dans le pompeux : de vieux bâtiments à têtes de chefs indiens, des frises de morses (dont les défenses ont longtemps été en vrai ivoire – jusqu’à ce que des passants s’en prennent sur la tête), et des motifs végétaux partout. On devine l’ambiance fin XIXe, les dandys se pressant dans des clubs fermés, le bouillonnement de cette ville de passage, la prospérité est encore palpable, comme l’est l’espoir d’une vie nouvelle qui a jeté sur les routes du Grand Nord des milliers de personnes en quête d’or. Toute une atmosphère passée que les vestiges architecturaux rendent bien présents. C’est très beau. Ce qui l’est d’autant plus, c’est la juxtaposition intéressante des architectures. Le moderne – voire futuriste – côtoie sans rougir ces vieux immeubles de la ruée vers l’or et les contrastes sont ravissants.

8 – Prendre de la hauteur depuis la plus haute tour de Seattle. On monte au 73ème étage pour voir s’étaler devant nous l’immense ville. Les banlieues déchirées et ceinturées par les highways, Downtown que l’on domine de toute notre hauteur et où des milliers de fourmis s’activent dans tous les sens, la Puget Sound qui s’étire sous nos yeux, les docks industrieux et au loin, les volcans de la chaine des Cascades, les montagnes Olympiques et surtout, l’immense Mont Rainier. La vue est incroyable et le temps est de la partie.

9 – Le soir, après une bonne sieste bien méritée pour tous, direction la Grande Roue sur les quais de Seattle. Sans le vouloir, nous arrivons au bon moment : le soleil est en train de se coucher et donne une teinte dorée à toute la skyline. On aperçoit le Space Needle, les tours de Downtown et la vue sur la Puget Sound est à couper le souffle. Le prix aussi. Mais bon. Les filles sont ravies. Et juste après, on file chez Starbucks prendre un petit goûter !

10 -Chasser le Troll dans le quartier de Fremont.
Il suffit d’un bus depuis Downtown pour arriver dans le quartier de Fremont. Il fait un froid à perdre ses dents et il pleut à l’horizontale grâce à un vent à décorner les bœufs. Après s’être vaguement demandés ce qu’on faisait dehors et après s’être rapidement trompés de sens, on parvient à débusquer un énorme Troll qui vient de se saisir d’une New Beetle immatriculée en Californie. Il est borgne, mesure 5m de haut et est peu engageant… ce qui n’empêche pas Louise de lui gambader sur le corps. Le Troll, connu sous le nom de « Troll under the Bridge » ou de « Fremont Troll » est le résultat d’une compétition dont l’objectif était de réhabiliter le dessous du pont, jadis paradis des dealers et autres camés. C’est plutôt réussi et on s’attarde un peu avant d’aller rejoindre Lénine quelques rues plus bas. On apprendra plus tard que celui-ci vient tout droit de Tchécoslovaquie et a échoué ici quand, au cours de la Révolution de Velours, il a été abandonné dans un fossé puis ramassé par un riche américain. Depuis 1989, la statue cherche preneur et a fini par s’enraciner dans un petit coin des Etats-Unis.

A bientôt pour la suite !

C, G, L&L

Quelques réponses à vos commentaires

@MH : Bien joué MH !! Quelle perspicacité ! ; )
@Jojo: On était pas très très loin !
@Manu : Non mais la Bourboule … rien que le nom me fait rire !
@Fred, Mel, Camille & Léa : Profitez bien de vos vacances qui démarrent ! Nous on retourne au Front… !
@Seb: Tout à fait Seb ! Geek un jour, Geek toujours… plein de bisous cher cousin !

3 thoughts on “Promenades dans le Grand Nord – Seattle

  1. Je viens de rattraper plusieurs semaines de retard dans mes lectures célinesques. Merci encore pour tous ces récits de voyage. ☺
    L & L ont bien de la chance.
    J’en profite pour vous souhaiter une très bonne année (nous sommes bientôt en mars, mais c’est pas trop tard ? Si ?).
    Bises.

  2. Bon, je vois que les canadiens ont clairement copié le Space Needle à Toronto 😮

    Et qu’à Seattle on a copié les briques rouges du Nord >:]

  3. Et ben, vous en avez fait/découvert de jolies choses 😊 j’espère que la reprise n’a pas été trop difficile…
    De notre côté, on a profité du beau temps fin février pour se balader dans Paris…☀️😎 Les filles ont redécouvert la Tour Eiffel 😂

    Des bisous à tous les 4 😘

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