J’ai la rage ! (Paris, janvier 2011)

Photo du 59540113-01- à 16.32Il me regarde fixement avec des yeux sévères tout en prenant des notes. Il oscille entre compassion, colère et désarroi. Mais alors comme ça, personne n’est au courant ? Le Docteur Pujol travaille certainement depuis des années à l’Institut. Et il enrage littéralement que son travail soit si peu connu. « Vous savez qu’une fois que vous déclarez les symptômes il n’y a plus rien à faire ? Cette maladie est mortelle à 100%. On ne peut rien faire et l’agonie est longue ». Je sens qu’il a envie de me secouer. Pas la peine, je suis effondrée et je me répands en larmes sans aucune dignité tout en l’écoutant et en prenant la mesure de mon inconscience. Il me pose des questions :

« C’était quand ? »

« Il y a 3 mois »

« 3 mois ? C’est pas vrai…. Et vous ne venez que maintenant ?! Où et c’était quoi ? »

« Les rives du Nil à Louxor, un petit chat que je trouvais mignon et à qui je donnais à manger »

« Mais les animaux ne sont pas mignons, ça suffit ! Un animal peu importe son espèce est potentiellement dangereux et peut mordre, griffer. C’est bien une conception d’occidental ça. Oh le singe il est mignon ! Oh le chien est mignon. Mais quand on ne connait pas, on ne touche pas. A plus forte raison quand on n’est pas dans son pays. Et un animal sauvage reste un animal sauvage. C’est pas fait pour être touché. Vous imaginez si ce chat avait été infecté ? Vous ne seriez plus des nôtres aujourd’hui pour en parler ! »

Comme je pleure de plus belle, il se radoucit un peu et me dit que j’ai de la chance et que maintenant je suis tirée d’affaire. Puis il me raconte l’anecdote de ce voyageur qui a été aux 4 coins du monde et s’est fait mordre par un chien… A Paris ici en France. Je regarde autour de moi et je suis un peu perdue. Comment ai-je pu ne pas être au courant ? Nous qui sommes habituellement si précautionneux, comment est-on passés à côté ? Etait-ce à cause du cadre idyllique dans lequel nous étions ? Du côté « superficiel » des griffures ? Partout sur les murs de son petit cabinet, dans l’entre sol de l’institut Pasteur, sont accrochées des cartes montrant l’extension des cas de rage dans le monde.

Il me dit de passer à côté et j’ai droit à deux injections, une dans chaque cuisse. Il faudra revenir dans une semaine pour la dernière. J’ai l’impression de l’avoir échappé belle et ce qui est certain c’est qu’entre le moment où l’on m’a dit de prendre un rendez-vous en urgence (c’était le lundi matin) et ledit rendez-vous (le mardi matin)… J’ai cru que c’en était fini de ma petite existence (rappel à moi-même : ne pas aller regarder sur internet ce qui se passe « si on déclare les symptômes de telle ou telle maladie »).

Albert_Edelfelt_-_Louis_Pasteur_-_1885Je quitte donc l’Institut Pasteur avec des injections un peu partout, une bonne frayeur et une leçon de morale en bonne et due forme. J’en ai tiré un enseignement fort en tout cas, que je me suis empressée de communiquer à mes élèves de 1ère S (on travaillait justement sur les avancées sanitaires et médicales de la fin du XIXème siècle) : le vaccin de Pasteur est un vaccin préventif. Il existe un traitement antirabique curatif qui peut être effectué juste après la contamination et avant l’apparition des premiers symptômes (l’incubation va de quelques jours à plusieurs années). Mais… Il n’y a aucun traitement si les premiers symptômes sont déclarés et la maladie est mortelle dans 100% des cas.

Et alors que je rentre chez moi, je jure qu’on ne m’y reprendra plus.

Céline

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