Ascension du Piton des Neiges (Ile de la Réunion) – 3 et 4 août 2006

On se lève de bon matin et on quitte l’Etang-salé-les-hauts tous ensemble. Il est 7h, les estomacs sont pleins et tant l’exaltation que l’appréhension sont au comble. Frère, sœur, belle-sœur, parents et oncle, on entre tous en voiture. On est excités par l’aventure qui nous attend : emmener tout le monde au sommet du Piton. Sur le toit de l’Océan Indien. C’est la première fois que Guy visite l’île et je voulais effectuer cette ascension avec lui. Encore une de nos bonnes idées… !

On est mal équipés mais extrêmement enthousiastes. Une paire de baskets, un jean et un gros pull pour moi, un vague pantalon de randonnée et une autre paire de baskets pour Guy. Pour « là-haut », on aura nos k-ways Rucanor, une paire de gants, une petite lampe, un bob pour la tête et… les draps de notre couette pour nous emmitoufler. Partis passer 1 mois sur l’île, nous n’avions pas du tout envisagé de faire l’ascension du Piton. C’est la débrouille. A la créole en somme.

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DSC07528 Il est 9h lorsque l’on gare nos voitures au pied du sentier (Le Bloc, le plus fréquenté) qui doit nous emmener dans un premier temps jusqu’au refuge la  caverne Dufour où nous avons décidé de passer la nuit. Nous devrions y être pour 14h/15h en comptant 5h d’ascension et une pause pour manger. Nous faisons la randonnée avec mes parents qui, s’ils marchent bien, n’ont pas l’habitude de ce genre d’effort. L’ascension met tout de suite à rude épreuve nos articulations : des centaines de marches en zigzag se dressent devant nous et demandent un effort constant et un moral d’acier. On s’élève pas après pas, le long du rempart et on jouit très vite d’une vue splendide sur tout le cirque de Cilaos. La randonnée, bien qu’éprouvante, est plaisante. On alterne les marches et les zigzags avec d’agréables replats, on traverse de petites forêts de tamarins des hauts. On avance relativement lentement malgré tout : le souffle est court, le chemin semble interminable et n’offre aucun « horizon » auquel se raccrocher. Notre groupe s’étire, s’étiole… on s’attend les uns les autres.

DSC07647Puis la plaine d’altitude est enfin en vue et en plein milieu, notre refuge. Il est près de 15h30, nous entrons dans la « chambre » qui nous est allouée et on s’écroule au 3ème étage d’un gigantesque et massif lit superposé en bois. Pas de matelas, une couverture qui gratte, pas d’oreillers. Un refuge en somme ! Qu’importe, nous n’y dormirons que quelques heures avant d’entreprendre l’assaut final. On déleste nos sacs, on prépare notre paillasse pour la nuit et il est déjà 17h30. L’heure de manger ! Le refuge est célèbre pour son rougail saucisse copieusement servi et sa    bonne ambiance. La petite salle où l’on mange est pleine : les quelques chambres sont complètes et il y a même quelques personnes qui campent dehors.

DSC07720La première partie de la randonnée nous a creusé et on mange joyeusement d’énormes plâtrées de rougail accompagné d’un rhum qui réchauffe les corps. L’ambiance est électrique, joyeuse et bruyante. On rit, on s’apostrophe. Il est 20h quand nous terminons et nous décidons d’aller nous coucher tout de suite. Cette nuit, il faudra être debout à 3h pour effectuer la dernière partie de l’ascension et essayer d’atteindre le sommet pour voir le soleil se lever sur l’océan.

On ferme les yeux …pour les rouvrir aussitôt. Il est déjà 3h, on n’a pas l’impression de s’être reposés et les courbatures commencent déjà à s’installer. On ne perd pas de temps et on se met en route en emportant le minimum dans nos sacs. Nos petites lampes tombent vite en rade (on est partis mal équipés on vous dit) et c’est dans l’épaisse nuit noire que nous continuons d’avancer, en s’aidant des lumières des autres randonneurs. Ce qui nous vaut quelques remarques : « Vous n’avez pas pris de lampes ? ». Ce n’était pas faute d’avoir pris plein de piles de rechange dans nos poches. Très vite, on perd mes parents, qui font beaucoup plus de pauses. On perd mon frère et ma belle-sœur ainsi que mon oncle. Mais ils sont juste derrière nous. La lumière naissante augurant du lever de soleil rend à tout ce paysage minéral et noir ses couleurs, progressivement. C’est un ravissement pour les sens.

DSC07813Nous posons enfin nos pieds sur le sommet, une dizaine de personnes est déjà présente. On est épuisés mais au comble du bonheur : nous assistons au lever du soleil dans un silence tonitruant, le ciel est d’une clarté éblouissante et nous avons l’immense privilège d’apercevoir l’île Maurice.  On tourne sur nous-même. A 360° tout autour de nous, un douillet nid de créoles se réveille. D’ici, on voit toute la Réunion. Mes parents nous rejoignent enfin et on apprendra bien plus tard que ma mère, en mangeant sa barre de céréales assise sur le sommet de l’île, verse alors quelques larmes. Soulagement, fatigue, fierté, ras-le-bol. Un peu de tout.

DSC07842 La descente après ces instants de recueillement est une autre paire de manche. C’est bien connu, une descente est bien plus traumatisante pour les articulations. On fait une halte au refuge pour prendre un bol de lait chaud, et on enchaine assez rapidement notre randonnée de retour jusque dans le cirque de Cilaos. On arrive en bas après laissé nos genoux sur la montagne. Il est 16h.

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Un homme arrive, vêtu d’un short de marathonien on ne peut plus échancré, d’une paire de savates « doigts de pieds » bleue (des tongs) et portant un énorme sac de randonnée. Il nous dit bonjour et très bêtement (poussés par la fierté d’avoir « fait le Piton » certainement, avec presque un peu d’orgueil de « jeunes premiers ») on lui répond qu’il est un peu tard pour démarrer l’ascension.  Sa réponse nous laisse interdits: « Ne vous inquiétez pas j’ai l’habitude : je suis celui qui ravitaille le Refuge ».

On n’est pas tous égaux.

Et vous ? Racontez-nous votre ascension du Piton !

Céline & Guy

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